On ne compte pas le nombre de titres sous lesquels est sorti Heroes of the East. Rien que chez nous, il en existe deux, Shaolin contre Ninja et Les Démons du Karaté. Si on rajoute l’international, on peut le trouver sous les noms Shaolin Challenge Ninja, Challenge of the Ninja, Shaolin vs Ninja, Drunk Shaolin Challenges Ninja. Pour son coffret consacré à Liu Chia-Liang / Lau Kar-Leung, Spectrum Films fait le choix de le sortir sous son titre original, et c’est peut-être plus simple comme ça. Quoi qu’il en soit, il faut savoir que Heroes of the East est LE film qui lancera la grande vague des kung fu comedy car bien que cela ait été popularisé à l’international avec Drunken Master de Yuen Woo-Ping, c’est bel et bien à Liu Chia-Liang qu’en revient le mérite, ce sous-genre sera d’ailleurs une de ses spécialités à partir de cette époque et jusqu’à la fin de l’ère Shaw Brothers. Et pour une entrée en la matière, on peut dire que le réalisateur / acteur / chorégraphe a fait très fort car Heroes of the East est un petit bijou.
L’histoire du film est très simple : un jeune chinois va se marier avec une japonaise mais la rivalité martiale entre les deux va causer quelques petits soucis et, suite à un quiproquo, notre jeune héros va se retrouver à devoir affronter non pas un, ni deux, ni même trois, mais bel et bien sept maitres en arts martiaux japonais. Le cinéma de Hong Kong a parfois tendance à être machiste (coucou Chang Cheh) et / ou un peu trop nationaliste (coucou Lo Wei). On ne compte pas le nombre de films où les femmes sont des pots de fleurs et où les japonais sont constamment dépeints comme les grands méchants envahisseurs. Mais ici, c’est tout l’inverse qui se produit. Il y a du traditionalisme, certes, mais c’est la femme qui est ici forte, et la rivalité qui s’installe entre les personnages de Gordon Liu et Mizuno Yuka reste respectueuse. Lorsque l’armada de champions japonais débarque, on aurait pu s’attendre à du racisme primaire, mais c’est tout l’inverse qui se produit. Outre le respect et la tolérance que le héros chinois a envers ses homologues japonais, l’inverse est également le cas. Oui, comme on pouvait s’y attendre, le héros gagne à la fin, car il a réussi à se défaire de ces sept champions japonais, mais tout le monde sort grandi de ces affrontements, soit par la découverte des arts martiaux des autres, soit par la découverte de certaines traditions (le samouraï vaincu qui offre son sabre comme marque de respect). Liu Chia-Liang nous présente les arts martiaux dans ce qu’ils ont de plus noble et il n’y a ni mort, ni même sang versé dans Heroes of the East, un comble quand on connait les délires sanglants au bodycount élevé de cette époque (re-coucou Chang Cheh). Et la partie comédie n’y est pour rien là-dedans, Liu Chia-Liang a juste voulu mettre en scène des hommes qui voulaient se mesurer entre eux martialement parlant, sans réelle animosité.
Comme précisé un peu plus haut, nous sommes ici dans le très haut du panier de la kung fu comedy. Et que ceux qui préfèrent le kung fu pur et dur se rassurent, sachez que l’aspect comédie n’est là que dans la première partie du film. L’humour fonctionne d’ailleurs très bien, le must étant atteint lors de cette scène de ménage pendant un repas où tout ce qui entoure le couple devient une arme dangereuse, de simples baguettes à un bol de riz en passant par les assiettes. Dès son deuxième acte et jusqu’à la fin du troisième, Heroes of the East va se faire plus sérieux et se concentrer sur les arts martiaux. Comme dans un jeu vidéo de baston où il va falloir battre les différents ennemis avant d’arriver au boss, le personnage de Gordon Liu va devoir affronter différents champions d’arts martiaux japonais, chacun ayant une spécialité particulière : le kendo, le judo, le nunchaku, l’art ninja, … Afin de pouvoir contrer chacun d’eux, Gordon Liu devra trouver la technique adéquate, du nunchaku à trois branches à la technique de l’homme saoul (enseignée par Liu Chia-Liang himself) en passant par la ruse totale. Les personnages vont étaler à l’écran une grande panoplie d’armes et de techniques différentes pour le plus grand plaisir de l’amateur de films martiaux et le talent de chorégraphie de Liu Chia-Liang va prendre ici toute son ampleur. Les combats sont assez dantesques, la plupart du temps filmé en plan large avec le strict minimum en termes de coup afin que le spectateur puisse à la fois apprécier les géniales chorégraphies et les talents martiaux des différents combattants. Ça cogne sec, c’est nerveux, c’est varié, et c’est surtout du non-stop dès que, à mi-film, les sept combattants japonais arrivent. Liu Chia-Liang sait que le public veut des arts martiaux, il lui en donne plus que de raison pour son plus grand plaisir, et de la plus belle des manières !
Heroes of the East est incontestablement un des meilleurs films d’arts martiaux de la Shaw Brothers en plus d’avoir popularisé la kung fu comedy dans l’ex-colonie britannique. C’est drôle, c’est frais, les combats sont géniaux, c’est excellent !
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-heroes-of-the-east-de-liu-chia-liang-1978/