Shark Attack est digne d’intérêt non pour sa valeur intrinsèque – nulle – mais parce qu’il incarne à lui seul une limite des productions orchestrant l’affrontement entre l’homme et la bête : le recours systématique à des séquences d’archives tirées de documentaires animaliers en tout genre pour montrer le requin (jamais le même) sans avoir à le représenter. Certains aiment à critiquer Jaws sur le seul argument de ses effets spéciaux un peu datés ; c’est oublier que le requin, dans la mesure où il est re-présenté par Steven Spielberg, dans la mesure où il s’intègre à un univers de fiction dont il constitue lui-même l’émanation la plus aboutie, est un monstre de cinéma, une construction se situant au carrefour d’ambitions esthétiques, dramatiques, musicales etc. Or, en échafaudant son film comme un collage de plans piqués à droite à gauche, de plans recyclés à partir de reportages dépourvus de la moindre ambition cinématographique – il s’agit pour eux d’étudier un animal marin tel qu’il est, sans parti pris particulier –, Bob Misiorowski se fourvoie et ne pense pas son geste ni de manière réaliste – comme le feront, par exemple, les excellents Open Waters ou The Reef – ni de manière fantastique, à la croisée du requin véritable et du monstre porteur d’allégories.
Le problème inhérent à Shark Attack ne réside donc pas tant dans son attitude de tricheur que dans l’inadéquation entre ce goût pour la triche et le format recherché : téléfilm pris entre deux eaux dans lesquelles il se noie ; reportage mal ficelé et mal monté sur les seigneurs de la mer, ersatz raté du chef-d’œuvre de Steven Spielberg, décidément inégalable.