Roméo et Juliette à Vérone, Tony et Maria dans le New-York de West Side Story, Aladdin et Yasmine à Bagdad. Les histoires d'amour contrariées au cinéma ont souvent pour cadre des villes où forces amies et ennemies se retrouvent réunies.
La ville ici, c'est Marseille. Éclaboussée de soleil. Débordante de jeunesse. Mais n'offrant à une partie de celle-ci qu'impasse professionnelle et précarité économique.
C'est dans ce cadre qu'entre en scène Zachary. Une gueule d'ange à mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte qu'on découvre au moment où il sort de plusieurs mois en maison d'arrêt pour mineurs. Tignasse décolorée et silhouette filiforme, ce petit Prince des prisons à l'indocilité riante (Zac a ri) ne tarde pas à se faire la malle du foyer où la justice l'avait placé, pour aller retrouver illico ses potes de mobylettes. Et chercher affection ou protection auprès de son entourage : à sa mère d'abord, qui l'envoie balader car elle refait sa vie, puis au parrain du secteur qui n'entend pas s’embarrasser de cet ado indomptable. Retour à la réalité un peu compliqué donc. Même la première prostituée que ses copains lui "offrent" commet l'indélicatesse de le détrousser sans se faire trousser.
La Belle, c'est elle justement. Shéhérazade la bien nommée qui va mettre dans sa poche ce petit gars à l'allure de fouine pour en faire son mac de cœur, gardien de ses passes et coloc de misère dans la piaule qu'elle partage aussi avec Zelda, une transsexuelle. A la faveur de ce compromis, - "tu m'héberges et je te défends" - nait ce couple improbable. Elle, dont la beauté juvénile - on la voit sucer son pouce comme une gamine - contraste avec le glauque des cages d'escalier où elle se donne, lui dont la silhouette gringalesque semble peut adaptée aux rudes fonctions de proxénète qu'il se retrouve à exercer. Lui dont la gentillesse - et la témérité - finissent par attendrir la jeune femme, elle dont il finit par tomber amoureux tout en étant le témoin privilégié de ses rapports sexuels avec les hommes.
La plupart des scènes se déroulent de nuit, sur le pavé, l'asphalt jungle des flics ripoux, des bandes bulgares et des caïds mafieux. Mais le film échappe à la noirceur que son décor et son scénario semblaient promettre pour offrir au contraire une succession de scènes lumineuses : dans l'intimité de la chambre à la lueur d'une lampe-lapin jusqu'à la virée à moto lorsque l'argent commencera miraculeusement à rentrer... Mais plus dure sera la chute lorsqu'ils prendront conscience que vouloir émerger à la lumière sans y avoir été autorisé se paye plein tarif dans la ville des parrains.
Le contrepied de Zachary en forme d'arrachement à son milieu lui coutera alors le prix fort et un retour à la case prison. Mais la dernière scène, magnifique de simplicité, outre le fait qu'elle évite l'impasse mélo-dramatique nous fait dire en constatant le chemin accompli par notre petit Prince courageux et sa belle dulcinée, qu'au pays des aveugles le borgne sera roi.
Un coup de cœur.
Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 8/10
Mise en scène / réalisation : 8/10
8/10 <3