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The Legend of Godzilla - A Link to the Past

[AVANT-PROPOS/AVERTISSEMENT : Voir ce film le jour de sa sortie au Japon était une expérience culturelle unique mais bien évidemment mon niveau de japonais, s'il est suffisant pour commander des okonomiyaki ne m'a pas permis de comprendre une bonne partie des dialogues du film. Je pense avoir saisi leur sens général mais gardez à l'esprit que j'ai pu faire de gros contresens. Et puis, même si j'ai une énorme attirance pour le mythe de cette grosse bestiole je suis pas du tout un spécialiste. J'ai quand-même plein de trucs intéressants à dire et l'occasion est trop belle vue la hype chez certains de mes éclaireurs, mais gardez à l'esprit que ce texte est à prendre avec des pincettes, il est possible d'ailleurs que j'y revienne ultérieurement pour le modifier ou revoir la note. Sinon je mets des balises spoilers mais vous pouvez lire, ça devrait pas vous gâcher le film. Vous voilà prévenu, bonne lecture !]


Shin Gojira ne plaira pas à tout le monde. Ce qui marque le plus, surtout quand on a du mal avec la langue, c'est le monstre lui-même. Alors que celui de Gareth Edwards proposait une anatomie la plus réaliste possible au moyen de CGI d'un photoréalisme étonnant (et, disons-le, de millions de dollars), celui de Shinji Higuchi apparaît bien plus humble. Non pas par la taille du monstre, qui tutoie toujours les gratte-ciel tokyoïtes, mais par la texture, l'anatomie, l'animation de la marionette. Godzilla apparaît pataud, parfois même un peu grotesque avec sa petite tête, ses bras de T-Rex et sa queue énorme.


Je ne parle pas de la première bestiole qui, elle, paraît tout droit sortie du film Pixels... Godzilla au moins a la classe.


On gagne toutefois en authenticité ce qu'on perd en réalisme. Quand Godzilla sort de la baie de Tokyo accompagné de la célèbre musique, puis pousse son cri, on retrouve le grain, le cachet des vieux films de monstres, transposé dans un Tokyo moderne, et on se demande déjà ce qu'on peut demander de plus.


Le fait que ce film ne soit pas Américain mais Japonais, change absolument tout. Pour rappel, en 1954, on ne rigolait pas vraiment avec Godzilla. C'était un symbole de la menace nucléaire, par et pour des gens qui l'avaient vécu. Peu à peu, les différentes suites, reboots, combats contre d'autres monstres et les versions américaines ont fait passer ce symbolisme au second plan, l'aspect nucléaire n'étant plus qu'une justification à un énième film-catastrophe. Cette évolution s'est faite avec l'internationalisation de la licence mais aussi au fur et à mesure que le Japon pansait ses plaies et devenait la superpuissance qu'on connaît.


Seulement il y a eu Fukushima, 2ème traumatisme nucléaire pour le pays. Plus qu'un incident technique, c'est le symbole d'une nation qui s'essouffle et qui n'est plus si performante qu'elle le croyait.


Shin Gojira fait bien plus que rendre hommage au vieux Godzilla, il est Fukushima comme le film de 1954 était Hiroshima. Un film sérieux, où le Japon se démène non pas contre une force de la nature mais comme un démon qu'il a lui-même engendré.


(Comme le montre cette putain de dernière scène, j'en ai encore des frissons)


Là où Gareth Edwards prenait le temps de nous présenter une bonne famille américaine bien cliché selon le schéma d'identification en vigueur dans 99,9% des films-catastrophes, Shinji Higuchi préfère filmer des réunions dans des bureaux. Gouvernement, préfecture, police, force d'autodéfense, ingénieurs, scientifiques, et, il me semble, empereur, le nombre de costumes filmés est impressionnant, mais comme en 2011, Tous ceux qu'on croyait puissants sont absolument désemparés face à ce monstre indestructible et surtout incompréhensible.


Le choix du film de s'intéresser à la réaction du pays plutôt que de se concentrer sur un héros ou une famille (même si on a bien sûr quelques personnages forts qui portent l'action) est d'ailleurs révélateur de l'état d'esprit japonais, beaucoup plus portés sur le collectif que sur l'individu (mais toujours très patriotes).


Quelle solution envisager quand toutes les armes conventionnelles utilisées par la force d'autodéfense Japonaise (qui reste malgré son nom une des armées les plus puissantes du monde) ricochent sur les écailles de Godzilla sans même les entamer ? Si vous avez deviné vous pouvez dérouler le spoiler ci-dessous sans crainte.


Quand le Japon se résigne à autoriser l'utilisation de la bombe atomique sur Tokyo, on croirait voir une reconstitution de la capitulation de 1945. C'est à la fois un sacrifice incommensurable et un aveu d'impuissance, le constat que l'Empire du Soleil Levant ne s'est toujours pas remis de la Seconde Guerre Mondiale.


C'est dans cette métaphore à mon avis que se trouve toute la saveur de Shin Gojira (au passage j'espère que la traduction française ne copiera pas le Godzilla : Resurgence que nous ont annoncé les américains), et je conçois qu'on puisse y être indifférent. Les éléments habituels du blockbuster ne sont pas tous présents, et on peut s'ennuyer en constatant qu'à peu près la moitié des scènes du film sont des discussions loin de l'action.


Celles-ci sont cependant réussies (pour ce que j'en ai compris), reposant principalement sur trois personnages, un politique, un ingénieur et l'ambassadrice américaine au Japon, qui tentent de trouver une solution au problème Godzilla. Les jeux sont bons, très convaincants à part peut-être celui de l'ambassadrice assez peu crédible (c'est peut-être l'accent japonais-américain dès qu'elle parle anglais, elle reste charmante ceci-dit).


La réalisation fait preuve pour ces scènes d'une certaine inventivité qui leur apporte un dynamisme inattendu, avec des gros plans ou des travellings originaux, ou encore une scène où l'équipe de recherche fait des origamis avec leurs diagrammes colorés pendant qu'elle avoue être dans une impasse.


Quant aux scènes avec Godzilla - oui parce qu'à un moment vous conviendrez que c'est pour ça qu'on est là, sinon on pouvait aussi bien regarder un documentaire d'Arte sur Fukushima -, une fois accepté le parti pris "vintage" de l'équipe des effets spéciaux, le spectacle reste impressionnant, lasers de partout, Tokyo en flammes, jeux sur la lumière émanant du kaiju dans la nuit avec coupure d'électricité. Les choix musicaux vont aussi bien au-delà de reprendre les vieux thèmes en proposant des morceaux originaux parfois surprenants mais toujours bien choisis.


En définitive, s'il sort en France, je pense qu'il vaut vraiment le coup d'être vu sur grand écran. Ce n'est pas le divertissement total qui vous videra les neurones mais ça reste un film de kaiju où un putain de dinosaure de 120 mètres de haut défonce les gratte-ciel de Tokyo. Allez-y pour un mélange inédit d'ancien et de nouveau, allez-y surtout pour un Godzilla authentique, Japonais, loin des clichés Américains. Enfin, s'il sort en France quoi.

Nordkapp
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le 30 juil. 2016

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