Shoah par balles : l'histoire oubliée semble être également un documentaire oublié. Ou en tout cas un documentaire peu célèbre mais qui brille pourtant par son sujet, sa narration et l'intérêt qu'il apporte au monde. Évidemment le prof, l'historien et le passionné d'histoire que je suis ne peut qu'être attiré par un sujet aussi triste. Néanmoins je pense que la shoah nous concerne tous, encore plus à la lumière de l'antisémitisme grimpant dans notre société actuelle.
Sur la shoah on retient très largement le film..."Shoah" de Claude Lanzman (que je n'ai jamais vu). Pourtant ce documentaire passionnant mérite largement sa place dans l'étude et la compréhension de l'holocauste. En effet il faut attendre 2007 et l'implication extrêmement importante du père Desbois. Celui-ci n'est ni prof ni chercheur ni même universitaire. Juste un petit-fils de déporté. Pourtant c'est lui qui effectue des recherches passionnantes et surtout vitales pour l'Histoire, celle de l'holocauste, celle des morts mais aussi des quelques survivants (dont l'un d'eux est interviewé à la fin du documentaire). Un documentaire en guise de travail, de recherche mais aussi de témoignage donc.
Le père Desbois s'intéresse à cette autre shoah, celle largement oublié de l'extermination des juifs de l'est lors de l'opération Barbarossa (à partir de juin 1941). Bizarrement oubliée en réalité car elle concernerait (difficile d'avoir des chiffres très précis) 1,5 millions de Juifs. Ah oui quand même! Ce sont d'ailleurs les premiers à être exterminés selon un plan prévu et exécuté au jour le jour. C'est cette shoah par balles, menée par les fameux et tristement célèbres einsatzgruppen qui sera le prélude à la shoah par le gaz dans les camp d'extermination.
Évidemment si l'on apprend des choses, si l'on est stupéfié, ému, terrifié par les dizaines de témoignages accablant de ces Ukrainiens on reste aussi sans voix quand on comprend qu'aucun documentaire, aucune recherche généralisée, aucun devoir de mémoire n'a été entrepris en Ukraine depuis 1945. La plupart des témoins ont à l'époque du documentaire (2007) plus de 80 ans. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour les interroger, les écouter simplement? Noter ceux qu'ils avaient vu et/ou entendu? Evidemment mieux vaut tard que jamais mais bon...combien de centaines de milliers de personnes sont enfouis dans des charniers creusés par les propres victimes sans aucune sépulture, sans cérémonie du souvenir?
Quoiqu'il en soit, bravo au père Desbois pour ce colossal travail de recensement des sites, des victimes, des témoins encore vivant, pour ces témoignages par dizaines. D'ailleurs le reportage aurait pu sans doute être dix fois plus long...
Bien sûr ce n'est pas réjouissant ou gai mais c'est nécessaire.
A voir