... and - BAM! - I'm gonna be shot by some pig who's gonna swear that it was a mistake. I accept that as a part of my destiny."
On pourrait résumer Short Eyes à une formulation extrêmement laconique : dans une prison de New York débarque un homme accusé de pédophilie. Robert M. Young, co-producteur du très beau Nothing But a Man, prend le temps de décrire l'atmosphère carcérale avant de lancer cet élément perturbateur dans l'arène : très vite on voit comment l'espace est segmenté, entre les noirs, les porto-ricains (dans les rangs desquels Luis Guzmán, pas encore célèbre, fait de la figuration) et les blancs — minorité malmenée dans ce microcosme, comme un renversement des valeurs qui règnent à l'extérieur. Tous mangent aux tables qui sont devenues des repères claniques, les bastons sont monnaie courante, et des coups bas se profilent régulièrement : bref, on est dans un film de prison cradingue assez classique jusque-là.
Et puis débarque Davis, cet homme blanc, dont un maton prendra un peu plus tard le malin (et sadique) plaisir de révéler les raisons de l'emprisonnement (préventif, en attente d'un jugement, c'est une précision importante). La sanction tombe à voix haute dans la salle commune remplie de prisonniers : child molester. C'est là que les ennuis sérieux commencent pour le gars encore en tenue correcte de cadre propre sur lui, à mesure que l'étiquette de "short eyes" embrase la prison — un terme d'argot de prison qui viendrait d'une mauvaise interprétation du terme "short heist", autrement dit un pédophile.
L'enfer qu'il vivra contraste avec une séquence-clé dans laquelle il échange avec un condamné porto-ricain nommé Juan, face à un dilemme, et où il se confesse dangereusement — c'est très glauque. On comprend à ce moment-là le principal intérêt du film qui place au cœur de ses enjeux un réseau dense de rapports conflictuels dans un espace on ne peut plus confiné. Le gars est une raclure, mais il est probablement innocent dans cette affaire en cours et on voit assez vite que des détenus vont se montrer plus violents que les gens qui vont incessamment sous peu libérer Davis. La dynamique sociale qui structure les groupes de prisonniers est intéressante, entre une chanson interprétée par Curtis Mayfield (également acteur figurant dans le film) et une course de cafards, partagée entre haine, rage, dégoût, confusion et compassion.
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