Un premier film incroyable
Après l'incroyable découverte qu'était Take Shelter, l'envie de se plonger dans le premier film de Jeff Nichols était vraiment très forte. Dans Shotgun Stories, le cinéaste évoque le conflit entre deux familles, mais également les liens sacrés qui unissent chaque membre de celles-ci.
D'un côté, trois frères abandonnés par leur père, au nom très simple et résumé de la sorte: Son, Kid et Boy. De l'autre, des enfants faits par l'homme qui a abandonné les trois précédents, possédant un vrai prénom et une existence réelle. Une vraie famille en quelque sorte. Si le postulat de départ semble très simple et assez manichéen, le cinéaste va nous prouver petit à petit que les trois premiers sont une vraie famille. Des frères, quelque peu rednecks, représentant l'Amérique profonde et simple. Pourtant, à travers des instants simples, le cinéaste nous montre l'incroyable sens du mot famille. Cette vie assez monotone, ils la vivent du mieux qu'ils peuvent. Et puis vient le décès du père, et la descente en enfer, entre des hommes qui veulent se faire respecter. La violence va petit à petit s'accroitre. Mais elle n'apparait que très furtivement à l'écran, voire jamais. Des morts, il n'y en aura, mais le cinéaste ne jouera que la carte de la suggestion. Nichols fait en ce sens preuve d'une énorme maturité.
Il y a également du Shakespeare chez ce cinéaste où l'ensemble est une vraie tragédie. Mais d'un calme et très posé. La nature, le paysage, la manière dont vivent les trois frères contraste totalement avec la lente descente vers la violence. Le cinéaste joue la carte de la distanciation et pourtant le signe de le repentance de Boy est d'une tension inimaginable.
Les acteurs sont excellents. Et la mention spéciale va une nouvelle fois vers Michael Shannon. La photographie est superbe et Nichols propose déjà une réalisation pleine de maturité.
Il manque peut-être quelque chose pour en faire un chef d'oeuvre, comme plus de puissance formelle et narrative. Mais le cinéaste marque déjà de son empreinte le septième art. Et ce dès le début de sa carrière, c'est impressionnant.