Sur fond de trame policière, Shuffle, adaptation de Run, le manga de Katsuhiro " Akira " Otomo, est construit comme une poursuite non-stop qui bascule dans le délire punk. Le film relève du genre " urbain-grotesque " inventé par l'école underground japonaise des années 1980 dont Ishii était alors un des représentants majeurs.
Le métrage commence doucement sur des plans fixes en noir et blanc d'Hiroshi, un jeune homme en train de se couper les cheveux et qui finit finalement par se les raser complètement. Il regarde à la fenêtre et voit un flic qui surveille son appartement. Il prend alors son pistolet et saute par la fenêtre (du 2e étage).
Et c'est parti le film démarre et une longue course poursuite commence, et elle va durer pendant la quasi intégralité du film. Durant une pause due à une chute, on en profitera pour comprendre la raison de sa cavale grâce à un flashback. De retour à la course on se demande bien où le réalisateur veux en venir car après déjà 5 minutes avant le flashback, on n'a pas vraiment envie d'en revoir encore 5 autres et c'est là alors que le " héros " entre dans une petite ruelle et tente de semer le policier. L'image va s'assombrir, se dédoubler et passer finalement petit à petit en couleur. Hiroshi va alors passer dans un monde totalement étrange et surréaliste. Il va se retrouver à courir au milieu d'un marathon de lycée où sur sa route il croisera une bonne bande de personnages déjantés.
Délire du à la fatigue où alors voyage dans les souvenirs du temps où Hiroshi était au lycée, à vrai dire on ne l'explique jamais vraiment. Ce qui est sur, c'est qu'avec une caméra et 3 acteurs, Sogo Ishii déploie une énergie tout bonnement incroyable à la réalisation. La musique très rock et punk renforce encore plus ce sentiment et cette pêche que le film procure. On se demande encore comment Sogo Ishii a fait pour courir à côté ou devant ses acteurs caméras à l'épaule et s'attarder en même temps à la mise en place des cadrages qui paraissent presque prédéfinis.
Le seul moment où le film se calme, hormis durant le flashback, c'est pour le très beau dénouement où la rage et la colère ravagent Hiroshi. Le début du film où le personnage principal se rase la tête fait d'ailleurs penser à la scène dans laquelle De Niro se prépare à assassiner le proxénète, alors hommage au film de Scorsese ? Simple geste en rapport à la culture Punk ? Peut être les deux : Travis qui s'était rasé la tête à la façon des Indiens Mohawks comme pour retrouver la pureté de l'Amérique aborigène, Hiroshi lui se rase la tête dans une optique de retour au source.
On peut rapprocher l'univers de Shuffle, de l'univers des films de Tsukamoto comme Tokyo Fist, une réalisation pleine de punch avec une musique plus proche de celle de Bullet Ballet, à la limite de la crispation.
Au final, Shuffle, malgré de très faibles moyens, réussit grâce à une réalisation ultra énergique et de bons acteurs à maintenir le spectateur constamment fixé à l'écran jusqu'au très beau mais dur dénouement, tout en ayant un côté surréaliste bien sympathique.