Sibel est le 3ième long métrage du couple de cinéaste franco-turque Çağla Zencirci et Guillaume Gionavetti. Le film raconte l’histoire de Sibel, une jeune femme et fille du chef d’un village perché en haut d’une montagne Turque dont on comprend vite que sa mère et morte et que sa sœur ne l’apprécie pas vraiment. Sibel a la particularité d’être muette et de ne communiquer que par des sifflements. Son moyen de communication n’est compris que par ses proches, ce qui lui rend difficile tout échange avec l’extérieur. Considérée comme une handicapée et portant le mauvais œil par les gens de son village, Sibel vit sauvagement entre son travail dans les champs et la chasse. Elle ne quitte presque jamais son fusil qui constitue son arme et sa force face aux aggressions extérieures. Alors qu’elle a pour ambition de chasser un loup qui terrorise le village afin de s’accorder la faveur et le respect de ses habitants, elle découvre dans la forêt un jeune homme « terroriste » recherché par les autorités. Au lieu de reporter le fugitif, Sibel décide de l’aider et va connaître à ses côtés un relationnel ainsi qu’un éveil des sens qui lui étaient alors inconnus jusqu’ici.
L’intérêt du film est de nous présenter une société machiste dominée par les hommes au sein de laquelle règne en maître le ragot et le mariage. On pense alors au magnifique Mustang (2015) lorsque de très jeunes filles et même la sœur de Sibel doivent se marier par obligation sociale. Pour Sibel, c’est différent puisque son ‘handicap’ la rend hors norme et non promise au mariage. C’est ainsi qu’elle gagne en liberté et doit apprendre à lutter perpétuellement contre le regard et rejet des autres.
Sibel est une réalisation crue, sans musique où le langage corporel est le seul moyen d’existence du personnage. À ce titre, Il faut saluer la performance de l’actrice Damla Sönmez qui parvient à tout nous faire ressentir grâce à son expression corporelle. Elle incarne un personnage affranchi qui choisit de dire non. Sibel parle d’une femme forte et dresse le portrait étonnant d’un personnage éminemment cinématographique. Entre relation familiale, société turque, place de la femme, éveil de l’amour et jeunesse fougueuse, le film nous emporte. C’est à la fois une surprise et une réussite qui questionne comment nouvelle génération peut s’affranchir des normes d’une société patriarcale et plus particulièrement quel rôle les femmes doivent et peuvent jouer dans ce changement.