Sick est un documentaire que j'ai dû découvrir grâce à SensCritique, peu après mon arrivée sur le site il y a 5 ans, car c'est un des plus anciens ajouts à mes envies.
Je pense que le titre en entier a suffi à m'intéresser : "Sick : The life and death of Bob Flanagan, supermasochist". Et sûrement aussi un peu l'affiche où Bob est en tenue de super-héros... un poids suspendu à ses couilles.
Ma première pensée a été : béni soit le type qui a gardé un témoignage de Bob de son vivant, sous forme de vidéos. Sinon on serait passés à côté d'un personnage aussi loufoque, WTF et "bigger than life", comme je pensais n'en voir que dans des films de John Waters, et pourtant bien réel.
Je l’ignorais, mais je l’avais déjà vu dans le court-métrage Broken, de Nine inch nails.
Atteint de mucoviscidose depuis la naissance, Bob Flanagan est devenu en grandissant un sado-masochiste, un performer, un vidéaste, un auteur, un comique de stand-up d’une certaine façon, et un artiste, dont les films, photos, et créations diverses ont été exposées comme œuvres d’art contemporain.
Une de ses œuvres les plus connues est le Visible man, une représentation de Bob sous forme de statuette d’étude anatomique qui met en avant ses sécrétions : son sperme, sa merde liquide, et son mucus. Une façon ludique d’apprendre ce qu’il doit subir au quotidien en raison de sa maladie.
J’avoue que j’ignorais les symptômes de la mucoviscidose, qui bloque les voies respiratoires par du mucus, et dont la plupart de ceux qui en sont atteints meurent très jeunes. Encore bébé, Bob s’est vu extraire du pus recouvrant ses poumons, par des aiguilles plantées dans sa poitrine.
Et en plus de ce qu’on nous raconte, la souffrance se lit sur son corps maigre, sillonné de veines, parcouru d’un cathéter fixé sous la peau, et des tubes reliés en permanence à ses narines.
Malgré tout, Bob Flanagan fait preuve d’un grand sens de l’humour ; un humour noir, scabreux, "sick", comme on dit… forcément. Et tandis que je ne supporte pas le stand-up, Bob m’a amusé, parce qu’il y a une honnêteté dans ce qu’il raconte. Il ne s'agit pas de blagues forcées, qui s'enchaînent sans rapport les unes avec les autres.
On a l’impression qu'il fait son show même quand il n’est pas sur scène, provoquant le rire juste avec des anecdotes persos complètement tarées, qu’il raconte avec un bon sens de la dérision et de l’absurde. Il est tout de même conscient du caractère tordu de ses histoires, et du coup de l’effet que ça a sur son audience.
Le documentaire présente également la famille du super-masochiste, et sa femme, qui fournissent encore des détails complètement fous.
Bob a été marié à Sheree Rose, et on peut dire qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Lui, cherchait quelqu’un dont il serait l’objet sexuel, prêt à répondre à toutes les exigences. Elle, avait un goût pour la domination depuis l’enfance, et n’avait jusque là pas pu réaliser certains de ses fantasmes.
Et ce qui m’a surpris, c’est que je me suis pris à sentir de l’affection et une certaine tendresse, touchante, l’un pour l’autre.
…Même s’ils sont adeptes de strangulation, de fessées, et d’épingles à travers le pénis.
Un autre passage émouvant, et plus étonnant encore, c’est la découverte que Bob a été une source d’inspiration pour une ado atteinte de mucoviscidose également. Elle offre un point de vue beau et inattendu sur le mode de vie du super-masochiste, percevant le SM comme un moyen d’avoir un contrôle sur son corps. Et avant de connaître Bob, elle ne se projetait pas dans l’avenir au-delà de ses 25 ans.
Sick est un documentaire à la structure très efficace, et au rythme bien pensé, qui fait preuve de sensibilité par le temps accordé aux moments plus délicats.
C’est un film dingue, dégoûtant, répugnant par moments (je dois dire que je n’étais pas prêt à voir toutes ces tortures infligées à un pénis), mais également drôle, fascinant, et étonnamment touchant.
Je recommande fortement.
PS : Sarah Doucette, la jeune fille qui rencontre Bob, est décédée début 2016, à 27 ans. Elle aimait les vieux films de monstres, participait à un podcast sur le cinéma d'horreur, et vendait des produits en lien avec cet univers sur son site The Gift Crypt.
http://www.mediumscreen.com/2016/05/critique-sick-life-and-death-of-bob.html