T'as une jolie robe tu sais !
Un petit pinot gris bien frais sur la table, un bon petit plat tout juste sorti du four, tout était réuni pour accompagner Sideways, une tranche de vie bien arrosée signé Alexander Payne. En accompagnant les tribulations du truculent Paul Giamatti par un petit coup de verre à pied, dont le geste pourtant assuré fut souvent pris à parti par un rire aussi franc qu’inattendu, impossible de rester de marbre devant la symbiose qui se joue à l'écran. De cette comédie douce amère, qui monte progressivement en puissance, émane une bonne humeur qui nous prend dans son sillage sans crier gare. On se laisse alors ballotter par les volutes d'une liqueur inconnue qui prend la forme d'une fable sociale légère mais définitivement touchante.
Si le côté gras nécessaire est assuré par le personnage du copain bourru, celui incarné par Paul Giamatti apporte une complexité enthousiasmante à Sideways. Alexander Payne le sait bien, il mise tout sur la relation qu'il essaye laborieusement de construire avec la troublante Virginia Madsen. La sauce prend et s'avère être délicieusement savoureuse : lorsque l'écrivain maladroit raccompagne enfin la jeune femme chez elle, les violons ne sont plus nécessaires, un simple geste suffit à donner l'impulsion suffisante pour éclairer la scène d'un romantisme troublant.
De manière générale, si Sideways fonctionne aussi bien, c'est parce qu'il est le théâtre d'une alliance de différents paramètres que l'on n’attend pas forcément au tournant. D'un enterrement de vie de garçon fortement testostéroné placé sous le signe du tanin, Alexander Payne parvient à faire émerger un portrait de quadragénaire un peu perdu qui fonctionne, emprunt d'un fil rouge viticole inattendu mais passionnant. Tout ce mythe autour du vin, ces discussions de connaisseurs, ces virées en terres de vigne pour des dégustations amusées, dont la dernière séquence explose ce balai qui caractérise habituellement l'exercice, donnent à Sideways une dimension qui dépasse le simple exercice comique. Bien entendu, si l’ensemble parvient à trouver si belle maturation, c'est parce qu'il est habité par des acteurs très justes, qui ne se contentent pas de jouer et vivent littéralement leurs personnages. Paul Giamatti n'est jamais aussi bon que quand il joue ce genre de rôle très intimiste et prouve une nouvelle fois ici la force de son naturel.
Il est nécessaire de ne pas prendre Sideways trop au premier degré, ou d’y chercher une quelconque volonté réaliste, Alexander Payne signe simplement une tranche de vie amusante, à la bande son enivrante, y compris lorsqu'elle n'est pas issue d'un goulot délivrant sa pourpre symphonie. Une histoire de personnage parfois bancale, mais servie par une bonne humeur franche et spontanée, en grande partie due à des acteurs si inspirés qu'il serait malvenu de ne pas se perdre avec eux dans ce tourbillon éthylique qui donne la banane —flambée au Rhum probablement—.