Grande spécialiste de la carrière de Sigourney Weaver dans mon mètre carré en 1986, je dois avouer que j'ai depuis un peu lâché l'affaire, me contentant de scrupuleusement regarder les films dont elle partageait l'affiche quand ils me tombaient sous la télécommande. J'avais donc envie de me remettre un peu à la page après trois décennies de musardise coupable. Par fidélité cinéphilique. Et curiosité aussi. Bref, ce documentaire ne m'a pas appris grand-chose dans sa première partie. Au contraire, j'ai repéré quelques imprécisions, mais je ne vais pas chipoter, je vous l'ai dit, il n'y a pas plus grand spécialiste que moi sur ce sujet jusqu'aux années 90. Après, j'ai un peu raté le virage idéologique de Sigourney, même si je l'ai retrouvée récemment en militante pour l'avortement dans une fiction tirée du parcours véridique d'une californienne n'ayant a priori par le profil pour devenir une pétroleuse. C'est sans compter le potentiel subversif de la Weaver, toujours prête à dynamiter les stéréotypes dominants, au risque d'en créer de nouveaux tout aussi contraignants, mais dans un autre genre. Par exemple, si on revient sur le parcours d'Ellen Ripley, la badass originelle, mal embouchée, soupe-au-lait, peu prolixe, que les femmes battues ont été tentées d'ériger en modèle dans tous les États-Unis, on ne peut pas dire qu'elle se soit complètement affranchie des stéréotypes masculinistes ou bellicistes. Mais l'époque était différente, et il fallait bien commencer quelque part. J'ai apprécié d'entendre Sigourney Weaver elle-même revenir sur ses différences, celles qui lui ont permis d'émerger du troupeau un peu contre son gré, et de s'extirper de l'ornière intello-théâtrale à laquelle son milieu la prédestinait. Je me souviens d'interviews dans lesquelles elles semblait encore un peu ennuyée de ce pas de côté, qui la commettait de fait dans un genre qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver mineur. Mais, à l'autre bout de sa vie, toute honte bue, elle peut désormais analyser plus froidement son rôle dans l'émancipation féminine outre-Atlantique, avec le sourire, car, même s'il lui a fallu réviser ses préjugés sur elle-même, elle peut désormais évaluer l'impact de ses choix sur le long terme. Et le bilan est positif. Elle n'a pas toujours autant brillé que dans le rôle de Diane Fossey, mais elle a mis sa célébrité au service de causes qui lui tenaient à cœur, ça n'est pas si mal. Pas à tourner des pubs pour des maxi-firmes qui dévastent la planète, par exemple. Aujourd'hui encore, elle milite pour la préservation des gorilles et s'investit dans des productions (souvent modestes) qui ont des choses à dire et des causes à défendre. Bref, je n'ai pas à me cacher sous le tapi d'avoir adulé l'actrice de Dana Barrett ou Antonia Sokoloff, ni même de l'inoubliable Lauren Slaughter, déesses de ma mythologie juvénile personnelle, désormais reléguées aux tiroirs poussiéreux de ma mémoire, mais néanmoins activement intégrées à mes modèles de développement féminins dissidents. Enfin, vaguement dissidents, depuis, d'autres ont fait bien pire ! ^^