"Silence" est à voir quelles que soient vos opinions et votre position en matière de religion et de questions spirituelles en général. Personnellement, pour avoir vu beaucoup de films sur ce type de sujet (le martyr et la réflexion sur la foi), je pense que celui-ci est de loin l'un des meilleurs dans sa catégorie. Même si j'ai déjà lu 2 ou 3 articles qui le taxent de "polémique" et "dérangeant". (Est-ce qu'on doit rappeler à certains que Scorsese, c'est aussi "La dernière tentation du Christ" ? Bon, voilà.) Et en le voyant je me suis rappelée du fameux "Des hommes et des dieux" qui, malgré mon admiration pour sa réalisation en général, m'avait complètement frustrée sur bien des points.
Je m'explique : "Silence" ne nous montre pas que des frères jésuites mettant à l'épreuve leur foi dans un pays lointain où leur religion a été déclarée illégale, et où leurs coreligionnaires sont persécutés. Le personnage principal nous apparaît comme radical et manichéen au départ, mais c'est pour mieux préparer la confrontation ensuite : celle avec l'Autre, avec le Japon bouddhiste dont les autorités ne veulent plus des missionnaires européens, celle avec une culture et une foi en apparence différentes mais dont un personnage (le père Ferreira / Liam Neeson) arrive à faire la synthèse dans une apparente harmonie.
Mais ne croyez pas non plus que ce film essaie de nous dire : "Toutes les fois et croyances se valent et peuvent se mélanger pour qu'on soit tous heureux ensuite". Ce n'est absolument pas le cas, surtout quand on se rappelle les conditions dans lesquelles le père Ferreira vit au Japon. Et ça, je vous laisserai l'apprécier en voyant le film jusqu'à la dernière minute, pour son dernier plan qui est capital à ce propos.
Ça m'a vraiment fait plaisir de voir, dans un film sur un tel sujet, apparaître un VRAI questionnement de fond voire un dilemme éthique : Faut-il accepter de se "soumettre" (bien garder ce verbe entre guillemets), ou bien faire face aux tortures en gardant sa foi intacte jusqu’à la mort … ou pire, jusqu’à provoquer la mort de ceux qui nous entourent et que nous aimons ? Questionnement que "Des hommes et des dieux", par exemple, ne soulevait pas en adoptant une lecture trop unilatérale qui empêchait d'aborder le sujet de l'essence même de la foi, et surtout de S'INTERROGER dessus. Du coup, j'avais eu l'impression de voir un film qui me disait : la foi c'est ça, si on ne fait pas comme eux c'est qu'on ne l'a pas. Dommage.
Entendre un dialogue comme celui entre le père Rodrigues et le père Ferreira, à propos de l'identification aux souffrances du Christ (preuve de vanité) et l'intolérable souffrance infligée aux fidèles japonais avec la présence des missionnaires jésuites, c'était vraiment bienvenu. Comme était bienvenue la complexité de ce film, ainsi que l'exigence de Scorsese vis-à-vis du spectateur qui doit se concentrer et éviter de s'identifier à un personnage en particulier au gré des va-et-vient et des doutes. Hats off to you, Scorsese.