Magicien des effets optiques ayant rendu possible les rêves de cinéastes tels que Stanley Kubrick ou Steven Spielberg et inventeur de génie cherchant sans cesse à repousser les limites du spectacle audiovisuel, Douglas Trumbull n'aura eu l'opportunité de ne tourner que deux longs-métrages en tant que metteur en scène, Hollywood lui ayant plus ou moins tourné le dos suite au tournage chaotique de Brainstorm, entaché notamment par la disparition mystérieuse de la comédienne Natalie Wood.


Son autre effort en tant que réalisateur se nomme donc Silent Running, fable écologique et spatiale sortie en 1972, d'après un scénario écrit par Deric Washburn, Steven Bochco et Michael Cimino, le futur cinéaste de The Deer Hunter ayant d'ailleurs revendiqué la paternité du script, n'en déplaise aux deux autres.


Remarqué grâce à son travail sur 2001 et The Andromeda Strain, arrivant en plein renouveau d'une industrie bouleversée par le phénomène Easy Rider (retombées économiques dont ne profitera pas franchement Trumbull, Universal ayant distribué son film sans publicité, trop confiante dans le bouche à oreille qui fit du film de Dennis Hopper un carton), Douglas Trumbull signe un premier film plein de maladresses, d'un point de vue formel comme narratif, n'échappant malheureusement pas à une poignée de facilités.


Si Silent Running pourra paraître aujourd'hui un brin désuet, voire naïf pour le spectateur cynique, il n'en reste pas moins une proposition de cinéma ambitieuse et atypique, annonçant, par sa maîtrise des effets spéciaux et par la crédibilité technique qui s'en dégage, des futurs classiques comme Star Wars (pour les maquettes, ici magnifiques), ou Alien, pour son approche anti-glamour de l'espace et des vaisseaux.


Mais contrairement aux univers de George Lucas et de Ridley Scott, le vide spatial n'est pas synonyme ici d'aventures exaltantes ou de pure terreur, mais bien de sérénité, d'apaisement, et peut-être même d'espoir. Car si l'humanité à définitivement renoncé à conserver ce qui faisait toute la beauté de son monde, l'espace infini, lui, pourrait être le dernier refuge d'une nature agonisante.


L'occasion d'un regard critique sur l'homme, décrit comme moins humain que les propres machines qu'il invente, les robots de Silent Running faisant preuve de bien plus d'humanité que leurs créateurs. Même la figure héroïque classique en prend un coup, les motivations du personnage principal, bien que nobles, se voyant rapidement contrebalancées par une trajectoire l'amenant doucement mais sûrement vers la folie pure et simple.


Quasiment de tous les plans, Bruce Dern endosse ce rôle casse-gueule avec un talent certain, livrant une prestation marquante, tout à la fois juste et totalement habité, plus proche de l'activiste déterminé que du hippie plein de belles paroles rarement mises en pratique. Dommage que les seconds rôles ne bénéficient pas d'une écriture aussi soignée, leur manque de nuance les rapprochant presque de la caricature.


Clairement imparfait, Silent Running ne mérite cependant pas l'accueil froid qu'il continue à subir, se montrant à la fois original dans son traitement d'une science-fiction humaniste finalement pas si présente sur nos écrans, et s'imbriquant parfaitement dans un cinéma contestataire typique de son époque. Bénéficiant de l'interprétation grandiose de son acteur principal et d'un travail exemplaire sur les effets optiques, malheureusement prophétique et ayant le mérite d'aller au bout de son idée, Silent Running mérite selon moi ses galons de classique du genre.

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le 19 août 2016

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Gand-Alf

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