Au rien s’en vont les nuages.
Cela faisait un certain temps que je n’avais pas redonné sa chance à Assayas, dont je ne garde finalement que des souvenirs assez fugaces.
La bande annonce ne me disait rien qui vaille : on sentait déjà les intentions pesantes d’un parallèle entre la vie de l’actrice et le rôle qu’elle joue, une énième variation sur le Sunset Boulevard, Eve et consorts.
Il est particulièrement intéressant de voir Sils Maria quelques jours après Winter Sleep. Les films ont en commun un attrait consommé pour le dialogue analytique, de longues séquences à deux sur la voie laborieuse d’une révélation de la vérité.
A ceci près que celle d’Assayas est d’une transparence confondante. Résultat, ses deux heures semblent durer le double des 3 heures et quart de Ceylan.
Tout est poussif dans l’écriture : le prologue, interminable, n’a pratiquement pas d’intérêt pour la suite. On sent bien la tentation de coller à l’époque, par la multiplication des smartphones et tablettes, où l’on google quelqu’un pour le connaitre, où les gossips du net font des ravages et notre actrice vieillissante n’accroche plus la locomotive de la modernité.
Ce qu’on a du mal à comprendre, c’est le traitement du rythme : pourquoi tant de répétitions ? Dans les deux sens du terme : celles du texte théâtre que Maria s’entraine à jouer avec son assistance, et celles du scénario lui-même.
Sils Maria est d’autant plus un film raté qu’il compose avec une partition de haute volée. Les comédiennes sont indéniablement excellentes, leurs échanges fonctionnent à merveille, que ce soit la complicité complémentaire Stewart/Binoche ou la rivalité tue entre Binoche et Moretz.
La photographie est très belle et le cadre alpin souvent bien exploité, (gâché le plus souvent par une musique d’un autre âge qui nous propulse du côté de la publicité) notamment dans cette quête du serpent nuageux sur un des cols, et force est de reconnaitre qu’Assayas sait tenir une caméra, à l’instar des déplacements dans les décors de la scène théâtrale dans l’épilogue.
On semble avoir oublié un seul élément en route : le propos. Il est particulièrement ironique de voir Binoche déblatérer sur le sous texte du rôle qu’elle travaille et de fustiger la maigreur des films de super-héros lorsqu’on constate à quel point le rôle qu’elle sert ici n’a pas plus d’épaisseur que le vent nuageux qu’elle chasse en vain.
(4.5/10)