--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au dix-neuvième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Le grand soir est arrivé. C'est la pleine lune, l'heure de la première épreuve pour mon protégé. La lune semble plus lourde encore qu'à l'habitude lorsqu'elle émerge derrière les buildings. Une grande bulle d'argent, comme la redoute Lupin dans Harry Potter... Mon Sirius est terrorisé, et je crois que si il échoue, ce sera simplement parce qu'il aura pris peur de lui-même. Le loup en lui est d'une puissance terrifiante, mais je le sais capable de le maîtriser maintenant. Plus que me le prouver, il faut qu'il se le prouve à lui-même. Je devais donc veiller sur lui ce soir plus que n'importe quel autre soir, le divertir, sans le faire perdre de vue son objectif. J'avais gardé ce petit bonbon dans un coin d'esprit, pour le moment adéquat, et je crois que nous y sommes. Plus cocasse encore que l'agent Invisible contre la gestapo, plus saugrenue que Frankenstein vs. L'homme Invisible, plus improbable que l'homme Invisible contre la mouche humaine (ou peut-être pas en fait...), Silverhide, cross-over monstrueux entre le loup-garou et l'homme invisible, était le film de la situation.
Et bien évidemment, Silverhide était à la hauteur de mes espérances : passionnément raté. De ce genre de films que j'adore, derrière lequel on sent, vent debout, un réalisateur qui n'a jamais, au grand jamais, cessé d'y croire. Ici, le génie réside dans l'effronterie d'un homme qui, au lieu de se décourager face à un budget frôlant des chiffres négatifs, aura eu l'audace de se dire « ainsi soit-il, puisqu'on a pas le budget pour voir des loup-garous, on aura qu'a dire que c'est une histoire de loup-garous invisibles ! Problem solved ! ». Évidemment on entend débouler le fiasco à des kilomètres, et pourtant on continue d'y aller sans frémir. Le film, qui se démène pour dépasser la durée d'une heure qui lui permettrait d'aller jouer dans la cour des grands, se déroule dans trois décors : un champ, une tente même pas Quechua (ouais y avait vraiment, vraiment pas de sous) et une vieux grenier jamais filmé en plan large, laissant supposer qu'il contenait probablement des angles sous lesquels il passait encore moins pour un bunker abandonné. C'est un film « d'horreur », mais comme y a pas le budget non plus pour les scènes d'action, le film devient absurdement bavard, surtout qu'il n'a rien à dire. Tous les personnages répètent les uns après les autres les mêmes choses, surtout à base de « je ne sais pas » et de « c'est top secret ». Le pompon étant décroché par la superbe non-explication du phénomène d'invisibilité « ça a quelque chose à voir avec sa fourrure, et comment la lumière de la lune réagit avec. Personne ne sait vraiment ». H. G. Wells se retourne dans sa tombe. Lui qui s'est démené pour apporter à son personnage invisible tous les détails scientifiques les plus farfelus pour lui donner de la crédibilité, quelques cent-vingt ans plus tard, on ne s'encombre plus de tout ça, et on se contente d'un sobre « personne ne sait ». Quel enfer.
J'aurai pu apporter malgré tout du crédit à ce film, qui m'attendrissait quand même avec sa détermination absurde à vouloir absolument exister. Surtout que l'air de rien, la photographie se défendait vraiment pas mal, avec cette nuit assez efficacement éclairée, ambiance clair de lune menaçant, et ses défauts de capteurs CCD de caméra moyenne gamme pleinement assumés (pour les cancres au fond de la classe qui ont pas suivi le cours de techno, c'est les bandes colorées qui strient parfois le cadre horizontalement à hauteur du point le plus lumineux de l'image. Ce qui rend le truc assez saisissant, c'est que dans ce contexte de nuit, le point le plus éclairé de l'image c'est parfois le blanc des yeux des personnages, ça fait des images vraiment particulières, mais pas dénuées ni d'esthétisme ni d'intérêt). Mais c'était sans compter sur la bêtise de vouloir quand même parfois vouloir faire apparaître la créature. Je déteste me moquer, mais vraiment, éclater de rire m'a semblé être la seule option légitime face à ce truc, animé ambiance marionnette-chaussette, croisement entre un babouin et une musaraigne et qui vraiment, en aucun cas, sous aucun angle, et même pas en image subliminale, ne pouvait ne serait-ce que se rapprocher d'un loup-garou. Ni réel ni fantasmé, dans aucune culture et à aucune époque. Non. Clairement, c'est non. Mais c'est drôle.
Sirius aussi à ri. Un peu démuni au début de voir l'espèce à laquelle il tente d'être fier d'appartenir depuis peu tournée en ridicule par ce film dont ce n'était pourtant pas l'intention initiale ; il a fini par être contaminé par mon hilarité, et à rire de bon cœur face à cet attendrissant échec. Et surtout à prendre de la distance, en constatant que ce qui le terrifie au plus haut point en lui, peut, si on le cherche bien, devenir sujet de rire. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter Sirius, cette chose invisible, tapie en toi, ce n'est que ça : un monstre un peu grotesque qui transforme les personnages secondaires en mains en caoutchouc trempées dans du ketchup. Et Sirius, amusé, dégoutté, je ne sais pas et finalement je ne suis pas sûre de vouloir le savoir, à réussi son épreuve.