Le film débute comme un polar action classique. Le ton est étonnamment sérieux, c'est même plutôt pas mal filmé, alors on m'aurait menti ? Je commence à me dire que la bande annonce complètement pétée que j'avais vue, c'était du flan. Le générique façon pub vantant la qualité des couleurs du nouveau téléviseur Pony en mode Bollywood ainsi que la première baston nawak me rassurent un peu: ouais, voilà, un Freddie Mercury policier qui marche au ralenti et fout des tartes atomiques aux voyous qui s'envolent en défiant les lois de la physique, c'est n'importe quoi, c'est pas du pain(jab) à 15 centimes, et c'est donc bien ce que j'étais venu chercher ! Le gonze qui tient la caméra, passée l'introduction, on a dû lui dire: «filme avec trépied». Sauf que le mec a pas entendu le "R". A vous donc, les joies du mal de mer grâce à la caméra inclinée, en mouvement oscillatoire perpétuel. Les zooms, les filtres et autres joyeusetés. Dans Singham, si ce ne sont pas les mandales qui vous assomment, c'est la réalisation qui s'en chargera.
Super, penserez-vous...sauf que ça dure plus de 2h20, que ça se prend énooooormément au sérieux, et vous allez dire que j'insiste avec ça, mais question séquences crypto-gay, on a franchi un nouveau palier. Et vas-y que je sors de l'eau torse à poil, que j'enlève mon uniforme pour me tataner en marcel, que j'enfile un polo bien moulant entre deux séances de castagne, que j'effectue des bonds improbables avant de coller un coup de patte en rugissant comme un lion, que je cours au ralenti, crinière au vent. Les scènes durant lesquelles on voit notre Apollon bombay le torse et retirer ou enfiler ses lunettes (ouf !) s'enchaînent, entre deux chansons en mode Bollywood histoire de faire avancer la romance méga présente et méga niaise. Bajirao Singham est une sorte de héros badass et omnipotent à l'américaine. Steven Singham qu'ils auraient pu l'appeler: ça mouline moins mais ça gifle tout autant. En bon samaritain, Ajay Devgn en fait des caisses. A croire que son crédo, c'est «si je n'attendooris pas l'ennemi à grand renfort de patates, j'épure» - un comble pour un poulet. En témoigne cette fin totalement surprenante qui balance par la fenêtre un peu tout ce qui a été martelé deux heures durant.
Globalement, c'est plat et affreusement premier degré, de la morale à deux balles «la méchanceté c'est pas gentil» à «la gentillesse c'est pas méchant». En même temps, elle est assenée au spectateur le temps de quelques tirades du héros, comme les torgnoles que ce même Singham assène à des hordes de méchants à la mine patibulaire ponctuant des scènes d'action ubuesques qui sont d'ailleurs quasiment les seules séquences potables du film. Il est donc question d'amour, de corruption, d'un soupçon d'enquête pour laver l'honneur de l'un des siens, le tout entouré de gens souvent trop bolly pour être honnêtes, le bien contre le ma(ha)l. Le méchant au look pas très gentil ressemble à un mix de Ricardo Darin et Enrico Macias et à ce titre, ahhh qu'elles sont jolies les filles de son pays, comme en témoigne la délicieuse Kajal Agarwal, l'auto-promise de Singham.
L'oeuvre de Rohit Shetty est un nanar de luxe aussi long qu'excessif et cartoonesque dans ses bastons. L'équipe du film, de l'acteur principal au réalisateur, n'en est pourtant pas à son coup d'essai. S'il n'y a rien de vraiment condamnable dans leur démarche, dont eux seuls détiennent les clés, Singham n'en constitue pas moins un Delhi d'initiés.