L'appréciation du cinéma d'Oliveira est comme la construction de Rome : elle ne s'est pas faite en un jour, ni en deux, pas même en trois. On ne peut aimer le travail de ce dernier dès la première expérience que par snobisme (ou folie furieuse).
Ainsi, je ne mentirai pas quant à ma haine de fin de séance lorsque que j'ai vu l'un de ses films (L'Etrange affaire Angelica) pour la toute première fois. Que de désarroi, de colère et autre sentiment de vide absolu.
Cependant, pour en avoir fait l'expérience, je peux aujourd'hui affirmer après avoir vu trois de ses films (seulement...) que ceux-ci gagnent à se constituer en les analysant, et à ainsi ne plus êtres qu'une masse informe et désagréable d'images accolées les unes avec les autres.
Je resterai certes sur la position selon laquelle son cinéma n'est pas forcément un moment intense du septième art, à vivre en salle, à regarder "danser et sourire" et à écouter "chanter et puis rire" (« laisse moi devenir l'ombre de ta main, l'ombre de ton... ») mais c'est assurément, et je le dis avec la plus grande des passions, un objet d'étude cinématographique d'une richesse incontestable.
C'est sans doute dans le train où se trouve le jeune homme (Macario) de Singularités d'une jeune fille blonde que toute son histoire prend son envol. En effet, ce qui s'avère ne résulter d'abord que du désespoir (parler de soi à une étrangère) devient alors, au fil de ce qui pourrait être un conte (avec une morale à la fin), une très intéressante péripétie de cinéma.
Cette jeune fille blonde, d'une grande beauté, dans un film où l'intérêt semble de prime abord uniquement esthétique, constitue (comme Angelica précédemment) le centre des interrogations analytiques qui dévoilerons toute la contenance du film, après l'avoir vu et mal-aimé.
Mal-aimé ? Pourquoi ? Sans doute en premier lieu du fait de toute l'ironie du rythme du film, brisé et méprisé par son dénouement. Dénouement qui confère finalement une vision si juste (bien que très imagée, voire théatralisé) du phénomène amoureux entre deux êtres doués d'humanité. Ensuite, du fait des retrouvailles peu chaleureuses voire agaçantes, mais artistiquement correctes, des mimiques de création et de conception d'Oliveira.
Mais ne dit-on pas qu'un peintre, tout au long de sa vie, essayera (inconsciemment) de recréer toujours le même tableau en tentant d'approcher, chaque fois un peu plus, la perfection ? Cela rappelle d'ailleurs à quel point le film fait echo à L'Etrange affaire Angelica, et pourquoi tout deux sont considérés par leur créateur comme un dyptique.
La véritable question est : le cinéma doit-il toujours être "comme ci" et "comme ça" et pas "comme ceci" ni "comme cela" ? Et bien ma réponse, personnelle, est non. Car comme pour beaucoup de choses, il faut de tout pour faire un monde. C'est d'ailleurs pour cette même raison que Rome ne s'est pas faite en un jour, et heureusement.
De toute façon, Oliveira le dit lui-même, que cela plaise ou non au public, il s'en fout pas mal.