Le vaudeville anti-vaudeville
Sitcom est un défouloir. En cela, il est jubilatoire, car on ne sait initialement pas comment le prendre. Il commence même par la promesse d'un meurtre en masse froid en pleine fête d'anniversaire. Le ton du film est sérieux, mais l'excès de ses situations et l'outrance de ses clichés le transforme en objet masochiste particulièrement frappant. Et salutaire pour l'ensemble des clichés franchouillards qu'il épingle dans son incessante charge. Tous les personnages sont insupportables. Des clichés incessants qui confirment sans arrêt que leur physique retranscrit parfaitement leur état d'esprit. Cet étalage constant d'évidence, qui devrait finir par être lassant, se révèle au contraire particulièrement bien géré, car en plus de conférer une logique implacable à l'évolution des personnages, il suggère un ton de moquerie qui se relance toujours dans la surenchère. Le fils BCBG qui lit science et vie en silence avant de déclarer son homosexualité en plein repas de famille, cette fille pétasse large d'esprit et son petit copain bon sous tout rapport, cette mère directrice tradi qui voit toutes les situations lui échapper, ce père mou à la relativisation insupportable... N'oublions pas la bonne dissimulant mal son mépris des riches et son mari prof de sport et amateur de torses en sueur. Le postulat est simple, l'exécution parfaite, du moins jusque dans ses deux tiers. Jusque là, on continue de détester les personnages et de rire de leurs déconvenues, sans que le film parvienne à atteindre ses limites, qu'il repousse continuellement (partouzes, sado masochisme, frustrations et mépris, le climat humain est chaud bouillant). C'est une fois qu'il atteint l'inceste que la formule se calme (d'ailleurs, l'indifférence suscitée par le passage de ce palier secoue un peu). La formule s'essoufle alors un peu, ne trouvant plus qu'une issue en assumant totalement l'absurde via un final digne du Monstre du cimetière, du gros bis qui surprend une dernière fois avant la conclusion (finalement, d'une certaine justice, le personnage n'ayant pas connu le moindre changement en faisant les frais). Pour assumer encore un peu plus son statut de défouloir, Sitcom n'a pas de sens à proprement parler. Les dégénérescences comportementales qu'il met en scène suivent une certaine logique, une autodestruction motivée de diverses façons qui se lance dans les clichés les plus outranciers, en parvenant à caricaturer sans que la lourdeur ne plombe le rythme (la hargne du ton assurant une sensation d'agressivité bien distillée dans le film. Un petit OFNI français qui se sert astucieusement des codes du vaudeville pour en faire une parodie dégénérée, qui se livre aux pires outrances morales par simple goût du mauvais goût.