La science-fiction se pare d’astronefs à coq métallique rutilante et de cités aux régimes totalitaires qui feraient pâlir d’envie un SS du XXème siècle. Souvent, les villes sortent d’un monde chaotique où la guerre civile, l’épidémie, le choc nucléaire a tout détruit. D’autre fois on ne s’embête pas à créer sur de l’ancien et la ville surgit d’un désert. Dans Sky Dome 2123 c’est un peu le cas, bien que la ville s’appelle Budapest ce qui suggère beaucoup de choses, tout en effaçant d’un revers de main l’architecture de l’ancien.
Budapest évolue sous un dôme étrange, vitré, qui protège la ville d’un ciel terrible fait d’éclairs et d’intempéries à n’en plus finir. La faune et la flore sont mortes mettant à mal tout le principe d’oxygénation. Heureusement, un docteur a trouvé le moyen de recréer une biodiversité végétale, en implantant une graine dans le coeur humain, transformant ce dernier en arbre. C’est drôle, car ce postulat de départ, nous le trouvons également dans un manga : Fool Night où le monde, privé de soleil a également perdu sa faune et sa flore. Plongé dans l’obscurité, les scientifiques ont développé la même mécanique à base de graine et développement d’arbre-humain.
Comme si la science-fiction tournait son oeil de Sauron vers une nature en berne... Chaque siècle développe ses craintes et la peur de la guerre, puis du nucléaire, devient éco-anxiéte à présent.
Ce fantasme de l’homme-nature n’est pas récent et trouve ses échos depuis la mythologie grecque avec Daphnée changée en laurier alors qu’elle fuyait Apollon ou le couple de Philémon et Baucis transformés en arbre à leur mort afin de rester unis.
La nature est la délivrance de la condition humaine, mais dégage un certaine malaise. Devenir arbre c’est être bloqué à un endroit précis, sans réelle possibilité de communiquer et en subissant la cruauté du monde humain. Si Fool Night l’expose particulièrement bien avec ses rues d’hommes-arbres aux allures de cadavres en décomposition, Sky Dome en propose une vision plus tragique encore...
Voilà le paradoxe de ces utopies où devenir nature permet à l’humanité de survivre, au prix d’un corps torturé et soumit aux pires traitements.
Si dans Fool Night devenir arbre reste un choix monnayé, dans Sky Dome cela devient une obligation doublée d’une deadline : on ne peut vivre au-delà de 50 ans. A la date anniversaire, les citoyens sont envoyés dans un centre pour devenir arbre. Cela interroge la nature humaine dans sa temporalité et le film se permet une belle trouvaille - quoi que peu explorée, celle du trauma des enfants qui font face à beaucoup plus de disparitions que ceux de nos sociétés.
Comment faire face et accepter la disparition de personnes bien portantes ? Une propagande bien ficelée ventera les mérités du don de soi pour l’Humanité et pourtant... Peut-on accepter qu’un proche en pleine forme puisse s’en aller du jour au lendemain, vers une destination inconnue ?
Le régime totalitaire de Sky Dome porte ses failles dans ses non-dits, dans cette existence stoppée à 50 ans alors même qu’il reste possible de mourir de maladie avant terme. S’il est déjà difficile de mourir au bout d’un demi-siècle, cela devient insoutenable pour Stefan dont la femme Nora seulement âgée de 32 ans décide de s’offrir d’elle-même au système.
Stefan part alors à sa recherche envers et contre cette dernière même, puisqu’il s’agit bien de la sauver de sa propre envie de mourir.
Aussi, en plus de nous offrir un scénario d’une science-fiction éco-anxieuse, Sky Dome évoque la dépression, le suicide et le deuil. En donnant une date fixe pour mourir et une euthanasie assistée possible, c’est toute la conception de l’existence et du sens de la vie qui est interrogée.
On peut déplorer que le film ne creuse pas suffisamment ces interrogations métaphysique, mais cela reste un film avec une histoire à raconter, pas un essai de science humaine.
Et la Hongrie continue son chemin d’oeuvres mélancoliques... Une société qui ne s’est pas vraiment relevée de la douleur du XXème siècle et qui en plus se voit traverser de tragédies contemporaines. Alala, ce pays n’a pas fini de nous proposer des réflexions toujours plus profondes et difficiles. Et c’est très bien.
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