Je commence à connaître la richesse du cinéma japonais, mais celle que recèle le genre érotique propre à ce pays ne cesse de m'épater.

Certes, ce film laisse imperceptiblement quelques indices sur la modestie de ses moyens. Peut-être même est-ce une production uniquement destinée au marché vidéo? Sur le fond, le propos n'est pas non plus des plus originaux : il expose encore une fois l'indicible. Comment fonctionne cet étrange et mystérieux animal qu'est la femme?

Et surtout, on est dans l'érotique nippone avec cette sexualité complexe, où le désir possessif masculin exerce une violence maitrisée, enjeu de domination sociale, peut-être moins hypocrite qu'en occident, mais tout aussi misogyne. Dans des jeux érotiques sado-masochistes des familles, la tradition à cordes joue un rôle prépondérant, les couples cherchant leur place, où les sentiments essaient de se faufiler entre les mailles des convenances et des désirs, avec le plus de pudeur possible. Étrange paradoxe, j'en conviens, mais le Japon en réserve tellement aux yeux d'un européen comme moi! Comme je le disais, ce postulat n'a rien de neuf, le cinéma de genre japonais le sérine déjà depuis belle lurette.

Ce qui continue de me surprendre, c'est cette recherche perpétuelle, ce soin méticuleux à créer un objet artistique à part entière, une véritable œuvre, malgré la trivialité apparente du propos (encore que d'aucuns pourraient réfuter pareille assertion sans trop de difficulté). Satoshi Kaneda ne se contente pas de filmer des scènes de cul, pour résumer. Il traite ses personnages avec beaucoup d'égards d'une part, leur conférant une réelle profondeur. Les acteurs sont assez bluffants d'autre part. A l'exception de deux d'entre eux qui doivent camper des personnages outranciers et qui donc en font des caisses dans la truculence ou l'hystérie, les autres sont sobres à souhait et pleinement investis.

Le scénario de Akira Fukuhara tiré d'une nouvelle d'Oniroku Dan s'échine à montrer l'affrontement entre la tradition et la modernité, comment cela a rendu la lecture de ce pays encore plus compliquée, comment les individus sont ballotés par cet environnement dense, varié, changeant, comment l'agressivité du Japon de l'endroit se pose en altérité à la quiétude du Japon de l'envers, tout cela compliqué par un vice et versa tout à fait bouleversant. Il insiste à montrer ces contrastes pour mieux distinguer les dépressions, les révoltes, les angoisses chez les individus tourneboulés, aux existences foutrement paumées en somme.

Pour exprimer tout cela, Satoshi Kaneda ose se pencher sur des personnages entre deux âges, pas encore tout à fait vieux, mais plus du tout jeunes. Des cinquantenaires pour un film érotique, c'est là un parti pris couillu, pari comme ceux que sait prendre le cinéma japonais. Rien que pour la beauté du geste peut-être, pour que derrière l'image un discours s'impose, sur le vieillissement, sur la beauté, sur le temps qui passe, sur la sexualité, etc, un discours totalement absent du cinéma érotique occidental (du moins à ma connaissance). Pari surprenant mais en fin de compte totalement cohérent par rapport au sujet.

Sous ses airs pauvrets, avec sa thématique ordinaire, le film explore son époque avec une certaine forme d'a plomb qui n'est pas sans me plaire. Pourtant, il n'en demeure pas moins que quelque chose m'empêche d'être emporté, me laisse sur ma faim. Je ne sais. Il n'apparait pas complètement abouti, comme s'il aurait pu faire mieux encore, comme si le réalisateur n'avait pas totalement lâché les chevaux. Et puis il y a sûrement un problème de rythme. Certaines scènes sont un peu longues, voire répétitives.

C'est que dans le genre, je me mets à faire le difficile!
Alligator
6
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le 9 avr. 2013

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Alligator

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