Réflexions sur le film.
Il se présente un peu sous les atours d'un film érotique de son époque : musique douce et flou artistique. Pourtant, il retourne progressivement à l'origine cruelle du conte, qui sera explicitée par la Belle même : le viol y représente la vie, et comme dans de nombreux contes, un ordre traditionnel délétère est revivifié par l'apport de sang neuf – mais ici, il est incarné par la Belle, qui est devenue sa propre victime, son origine exogène ne l'ayant pas préparée à autre chose qu'à jouir dans la soumission sous l'emprise de la drogue (!).
Son masochisme, la dite perversion, n'est alors qu'une forme d'obédience envers l'ordre social, quand bien même choquerait-elle les hypocrites. Et le cadre ludique et coloré du cirque d'où elle est tirée n'est qu'un déplacement du bordel, comme le château luxueux où elle est conduite n'est qu'un harem dont les prisonniers sont volontaires. Il renferme un cabinet de curiosités vivantes, zoo humain qui rejoue en boucle les figures de son asservissement, sous l'égide d'une sorte de Catherine Robbe-Grillet, bienveillante matonne et seule bénéficiaire de leur exploitation sexuelle.
Le cercle vicieux se referme, et l'émissaire repart en quête d'une nouvelle pièce à la collection.
C'est l'art du scénariste et du réalisateur de ne faire ressentir devant ce constat effrayant qu'une subtile mélancolie – teintée de fascination érotique...