Sans être un amateur jusqu'au bout des ongles de son cinéma (encore que...), je ne peux que constater, film après film, revisionnage après revisionnage, que j'aime profondément le style de Joe Dante. Je rejoins tout à fait l'idée selon laquelle il serait le double "infernal" de Spielberg, brassant souvent les mêmes thèmes (l'enfance, les joies de l'émerveillement, etc.) mais avec un regard et une acidité résolument différents... D'un côté, cette parenté aurait tendance à le rendre au mieux inoffensif, au pire inintéressant, mais de l'autre, j'ai du mal à réprimer ma joie de voir de tels principes et de telles considérations dynamitées de l'intérieur.
On peut certes voir dans ce "Small Soldiers" une vague resucée des "Gremlins" (une histoire de dérapage lié à un cadeau), qui aurait été transposé dans l'univers de "Toy Story" en légèrement plus adulte. Il y a certes beaucoup de codes propres à la comédie enfantine ou familiale qui d'habitude me dérangent, ou m'indiffèrent, dans le pire des cas. Beaucoup de passages un peu chiants donc, simplement caractéristiques d'un genre qui s'adresse avant tout à des enfants, mais le tout est tellement arrosé de cynisme, de sarcasmes, et de détournements en tous genres que je ne peux m'empêcher de cautionner en pouffant. La nostalgie des cassettes de mon enfance gravée sur mes rétines, aussi, probablement.
Bien sûr, beaucoup de personnages sont assez archétypaux (les scientifiques débordés par leurs manipulations, avec le gentil précautionneux et celui aux dents longues, le patron de l'entreprise qui lave ses péchés à coup de gros chèques, etc.), mais encore une fois, ils s'inscrivent assez bien dans l'aspect conte pour enfants du film. Et puis certains passages virent carrément au délires plus trash, plus adultes, presque punks, avec les poupées Barbie détournées en amazones vindicatives. Beaucoup de moments, de clins d'œil, de traitement inattendus me font sourire. C'est clairement de l'ordre du divertissement léger, mais dont la légèreté générale tolère quelques accès bien corrosifs dans nombre de ses recoins.
Joe Dante n'est (pour moi) peut-être pas aussi subversif que certains l'affirment, mais il restait à l'époque un petit fouteur de merde dans l'espace qui lui était alloué au sein de l'industrie cinématographique américaine, tremplin non négligeable en termes d'audience. D'où ce constat un brin triste : il manque désespérément un Joe Dante dans le cinéma de divertissement américain, grand public, urticant mais bon enfant, de ce 21ème siècle.
[AB #168]