Sorti la même année que Little Big Man, Soldier Blue partage avec lui ce renouveau de conscience propre au Nouvel Hollywood, qui revisite la légende des origines nationales tout en questionnant son actualité. On retrouve ainsi le même parallèle entre les exactions faites contre les indiens et les massacres perpétrés au Vietnam, et la même charge visant à égratigner l’idéologie belliciste des dirigeants américains.
Comment expliquer, dès lors, que l’un soit aussi réussi que l’autre est raté ?
Les similitudes ne sont pas que thématiques. Le ton, lui aussi, est commun, notamment dans cette alliance risquée entre la comédie et la tragédie la plus sanglante. Chez Penn, c’est une aventure picaresque, tandis que Nelson opte pour une sorte de screwball mettant en scène le personnage de Candice Bergen, forte en gueule et sémillante, reprenant à sa manière le rôle de la blanche élevée par les indiens. Le couple qu’elle forme avec le soldat éponyme va accumuler les aventures et les disputes avant que l’évidence de leurs sentiments ne s’impose.
Mais ici, rien ne fonctionne vraiment ; on aura certes plaisir à voir une femme s’affirmer avec une telle force, jurer et prendre à sa charge le rôle de porte-parole d’une noble cause. Mais la comédie est assez superficielle, les comédiens peu subtils, et chaque situation abordée aux forceps : on semble ici dans une période où l’on croit que la permissivité en matière de ton et d’image va tout permettre, et qu’oser est en soi un gage de talent.
Il suffit de s’attarder sur la mise en scène pour s’en convaincre, soit paresseuse, soit soudainement ostentatoire et vraiment laide, à l’image de ces zooms fondus au flou sur le couple en pleine embrassade, ou du choix de la musique, une sorte de funk des 70’s particulièrement inapproprié avec les images. Un lutte entre un soldat et un indien dans une rivière sur la BO de Starsky & Hutch ne rend pas la scène à proprement parler convaincante.
Mais c’est sur le terrain de la violence que le film fait vraiment tâche, et achève de se fourvoyer quant aux moyens qu’on lui octroie. Bel exemple d’une liberté mal gérée, même au profit d’une noble cause. Les exactions filmées sont l’occasion d’effets putassiers, grossiers et gratuits. Les crânes éclatent au ralenti, les enfants sont décapités, le sang gicle au-delà du raisonnable, dans une sorte de tableau baroque qui rate totalement sa cible.
Penn, lorsqu’il traite des massacres des indiens, ne fait pas dans l’épure, et parvient à soulever l’indignation du spectateur. Dans Le Soldat Bleu, cette dernière aurait plutôt tendance à se retourner contre son réalisateur.