Jeanne, au secours !

Un appel à Jeanne, pour qu'elle nous sauve de ce film.

Voui, j'en conviens, le titre n'est pas des plus glorieux. Il est à associer à un contexte, celui de l'Absurde Séance, ce superbe - oserai-je un fantastique - festival qui prend place chaque année à Nantes et qui te propose, dans le cadre d'une nuit, la Nuit Fantastique, de te gaver de nanars, de médiocre, de gore, de "jamais vu en salle en France", le tout arrosé de binouze.

Ce festival qui prend son origine dans l'ancienne tradition "soirée bière-nanar-pizzas-copains" pour pouvoir jouer au plus malin - tradition qui elle-même descend en droite ligne du bon vieux pilori Moyen-âgeux, sans dec', c'est Lorànt Deutsch qui m'la dit.

Bon, trêve de culture, je ne veux pas vous assommer de tout le poids de ma connaissance, je reprends le fil de ma petite histoire.

Donc le grand but de ce festival est, tu l'auras compris lecteur avisé, de mettre un public de cynique, de rigolards, bref de trolls en tous genres devant des œuvres propres à être commentées, démontées, dévoyées, huées, conspuées, moquées...
Autant te dire que j'ai rarement autant ri devant un film aussi nul.

J'ai passé un très bon moment, si si.
Avec les abrutis du fond et les commentaires fusant en tout sens, les rires gras désamorçant chaque moment de suspens mal calés, de jumpscare foireux, les "pchhhhhit' des canettes de bière débouchées à chaque scène...

L'éclate.

Et pourtant, le film n'avait absolument pas besoin de ce public de joyeux lurons (ça fait un peu suranné mais j'aime bien) pour être ridicule. De l'horreur de série Z, présentant d'insignifiants problèmes d'ados comme les pires avanies, les pires problèmes du monde.
Et bourré de clichés.
Bourré à ras bord.
Là tu te dis que le film en joue, qu'il se moque. Tu te dis qu'on est dans la comédie nanardesque qui surf sur la vague du mauvais pour faire le "buzz".

Non.
Non non non non. Loin de là.
On est dans un film lourd au possible, qui se prend au sérieux, persuadé de t'offrir la crème du divertissement et de l'horreur. On le sent partout, dans la caméra lourde qui dramatise chaque scène, dans les effets sonores soulignant l'intensité supposée d'une scène affligeante de nanarditude.
Affligeante te-dis-je, lecteur de mon cœur.

Bon, si tu sais lire un synopsis, tu te dis déjà qu'on va s'enfoncer dans du lourd. Le traitement du petit métalleux-rebelle cliché et pathétique qui souffre d'un mal de vivre parce que son ZzTop de papa lui casse la gueule et que ses copains lui pourrissent la vie, déjà ça va taper dans le misérabilisme.
Alors il se rebelle, il colle une patate à la p'tite brute qui le martyrise. Tu penses bien qu'on va pas lui offrir une médaille, ou même essayer de comprendre.

Gagné mon con, direction le centre de redressement. Le bien glauque, celui en pleine nature où y a une fille qui s'est ""suicidée""" tu vois. Hostile, la vie. Hostile....

Arrivé là il rencontre le noir - qui s'appelle sans te mentir Willie, tu vois un peu le potentiel de vannes là - qui va mourir parce que film d'horreur, l'animatrice qu'elle est jolie avec un secret qui va mourir parce que, les copains de Willie qui vont mourir parce que, la pom-pom girl rebelle qui va se taper le héros, l'animateur/prêtre en chef qui est un peu louche
T'as compris que c'est vraiment que du cliché ?

Bref, notre victime métalleuse va se reprendre des beignes dans sa tête à claque par Willie & the gang qui ont autant de crédibilité en brutes que ces gars là et sa colère réveille le fantôme de la suicidée de service qui va se mettre à dézinguer de la brute dans des mises à morts aussi ridicules que mollassonnes et pathétiques.
Puis quand tu passes le film à la comparer à Mimi Geignarde, forcément, elle perd en crédibilité.

Alors, arrivé là, tu te demandes encore, mais pourquoi ce titre ?
Parce que à chaque mort ridicule, chaque moment d'intensité, une bonne partie du fond de la salle se mettait à hurler un "Jeanne, au s'cours !!" qui faisait bien marrer l'assistance.

Sauf un type devant, qui devait s'être trompé de salle et qui criait mollement un "vos gueules", sûrement parce qu'il était pris par le scénario.

Un film que je ne recommande pas, on doit s'y amuser autant qu'à un cours sur la numismatique des pièces siciliennes du douzième au quatorzième siècle, mais une expérience unique par contre.
Je ne connais ni les acteurs (sauf certains ... à l'insu de mon plein gré, voir le commentaire de Elthedeath :p ), ni le réalisateur. J'ai comme un sentiment que je n'vais pas les revoir de sitôt...