Cette critique n’est pas une réponse directe à celle-ci, mais lorsque je l’ai lue (après avoir regardé le film), j’ai eu envie d’écrire une critique, puisque mon point de vue est très différent.


Il existe bien des films, reportages, articles, livres, etc., qui essaient de retranscrire le processus créatif d’un artiste, d’un mouvement artistique, d’une discipline... Je ne pense pas que l’on puisse être exhaustif à ce sujet puisque de très nombreux facteurs entrent en jeux.



  • Tout d’abord la perception du monde de l’artiste, son ressenti, son
    caractère, ses habitudes, dont tout cela est induit par l’ensemble de
    son vécu. Donc, sauf à avoir vécu sa vie tout à fait à son identique,
    et rien de plus ou de moins, un rendu exact du processus créatif est
    impossible.

  • Ensuite parce que la perception de ce procédé est induit là
    aussi par notre vécu personnel, nos expériences, nos échecs, nos
    réussites, notre ressenti, etc., que l’on en ait conscience ou non.


Face à ce constat, une personne qui souhaitera aborder ce sujet ce doit donc de faire des choix, sur l’angle et la façon dont il va aborder ce thème, choix qui mettrons plus en avant certains aspects, et en occulterons d’autres.


Ici, Ice-T, décide donc d’évoquer le processus d’écriture des textes dans le rap, en allant à la rencontre d’un grand nombre d’artistes de rap états-uniens, de différentes époques (des tous débuts jusqu’à nos jours – quasiment), de différentes régions, de différentes notoriétés. Plutôt que de se focaliser sur un seul artiste, un crew, une région, un mouvement, etc.


Ce choix implique donc de devoir sélectionner parfois de courts extraits d’entretiens, là où on imagine bien que l’ensemble de l’interview doit être intéressante pour tout amateur de rap (du moins nord-américain). Tracy Lauren Marrow suit donc se fil rouge en posant de manière directe la question, mais aussi parfois de manière plus détournée, comme la première fois que l’artiste a rappé, le premier conseil qu’il donnerait à un débutant, ou encore sur un texte d'un autre artiste qui lui reste en tête qu'il délivre a capella face caméra. Ice cherche à donner une certaine vision d’ensemble et donc hétérogène de cette manière de faire.


Parfois, Tracy se retrouve lui-même sujet du film. Je ne pense pas que l’on puisse dire que ce soit par vanité. Il n’a pas besoin d’un film documentaire de niche pour se mettre en avant alors qu’il est acteur depuis plus de 10 ans (au moment du tournage) d’une série télévisée commercialisée internationalement, et qu'il fait parti des pionniers du rap venant de la côte ouest des USA (ce qui donne lieu à quelques moments sympa), et que de cette manière il a grandement participé à faire évoluer cette musique. Je pense plus que c’est dû au fait, qu’étant lui-même rappeur, lors des interviews, un dialogue s’instaure, entre collègue de profession, ce n’est plus juste un dialogue interviewé/interviewer. Cela est d’autant plus visible que parfois de vrais moments de complicité se dégagent.


Le film est donc riche en anecdotes, secrets de fabrication, passages historiques, moments un peu "what the fuck", etc., on aimerait mettre la main sur les rushs. Je pourrais donner quelques exemples pour vous mettre l'eau à la bouche, mais si vous n'avez pas vu le film, cela vous enlèverai un peu d'intérêt à le regarder si vous projetez de le faire. Disons juste qu'un MC légendaire commence par mettre 16 points sur sa feuille avant toute chose, un autre a besoin de silence absolu et de ne pas être dérangé, un autre se met physiquement dans une situation de faim pour écrire, un autre construit son texte par schéma, etc. Je peux juste vous assurer que si vous appréciez le Hip-Hop américain période 80/90, vous trouverez de quoi vous satisfaire. La "caméra épaulée" ne m'a pas gênée du tout, et j'ai beaucoup apprécié les plans de transition (parfois aériens) sur les quartiers où se situent les entretiens.


Au final, on a un tableau plein de couleurs différentes, de formes différentes, de textures différentes, qui parfois se font écho, parfois s’opposent, mais aussi de grandes zones laissées blanches. Bref, ce film n’est qu’une pièce de plus au puzzle incomplet répondant à la question : « le hip-hop, c’est quoi ? » ou « créer de l'art, comment ? », et je trouve cette petite pièce très intéressante.

Suvann
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le 28 févr. 2017

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Suvann

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