Terrence Malick s'attaque à l'univers de la scène musicale texane, voilà une belle proposition sur le papier, d'autant plus que Song to Song paraissait plus narratif que ses précédents Knight of Cups et To the Wonder. Mais la promesse de séquences visuelles somptueuses portées par une BO foisonnante se transforme rapidement en une pub pour parfum de 2h09mn.


Malick se complait ici dans un jusqu'au-boutisme expérimental ridicule où il use jusqu'à la corde ses idées de mise en scène, de telle sorte que son film en devienne inévitablement creux et prétentieux. Le sentiment de sabordage est constant, tant le potentiel d'un grand film était là.
En effet, la caméra d'Emmanuel Lubezki fait encore une fois des merveilles. Il n'hésite pas à recourir à la GoPro pour montrer la folie poussiéreuse des fosses de festivals, dont les plans rugueux offrent un contraste saisissant avec la poésie de sa caméra autrement virevoltante, en perpétuelle apesanteur. Malick use également de jumpcuts et de changements de décors en plein dialogues afin d'accentuer la perte de repère de ses personnages et l'insaisissabilité de l'amour qu'ils cherchent désespérément. Il va même jusqu'à délaisser leurs paroles, les couvrant par la musique ou simplement en les étouffant.


Malheureusement, Malick finit par perdre le spectateur et à se perdre lui-même. A force de voler incessamment, il ne s'attache pas, ne donne aucune porte d'entrée à son récit. A force de couper, il ne raconte rien. A force de taire, il ennuie. Et ce ne sont pas les quelques dialogues audibles qui rattraperont cette désillusion, tant ceux-ci s'avèrent dénués d'intérêt.


La beauté visuelle de Song to Song ne suffit donc pas à emporter le spectateur, qui a ce terrible sentiment d'être laissé sur le côté. Les thématiques abordées (l'amour, la musique, la famille) le sont de manière très superficielle, comme si elles n'étaient qu'un prétexte pour que Malick puisse égoïstement mener à bien sa troisième réalisation expérimentale.

RodolphePopulus
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le 29 déc. 2017

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