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L'interrogation du sens de la matière minérale et organique (Tree of life), le questionnement du lien des êtres (A la merveille) ou de l'errance artistique (Knight of cups) ne mènent pas forcément à une conclusion comme "Song to song". Moins opaque, plus transparent dans sa volonté d'afficher une oeuvre saine et plus compréhensive, le film joue cérébralement moins des coudes laissant l'impressionnant déroulé graphique prendre le contrôle du plaisir. Malick se pose ici en une forme de producteur prenant soin de gérer son produit. Un 45 tours dont la face A s'accompagne d'une rencontre heureuse (Gosling/Mara) et la face B forcément moins lisse et moins immédiate annonce les travers des êtres (Fassbender/Portman). Une écriture minimaliste enserrée au creux d'une armature visuelle au service du ressenti. "Song to song" ne s'appréhende pas comme une fiction ordinaire dont l'ouie et la vue constituent les récepteurs de plaisir. Il est demandé de voir au delà, de s'affranchir des règles cinématographiques et de suivre son instinct primaire. Celui d'une forme subjective, expérimentale qui s'immisce par les pores et la psyché et dont il est virtuellement impossible de déterminer le melting pot d'émotions entremêlées. Parce que Malick sait que l'universalité d'une composition s'amorce toujours par une histoire de gens reliés par le coeur et le sexe. L'important est toujours de l'illustrer par une forme novatrice et celle-ci pue le vinyle à plein nez.
Le vinyle, ce bout de plastoc cher au coeur de la génération hippie dont les plaids et les cônes traînaient dans la boue du Woodstock en cette année 69. Une génération coincée dans l'incertitude politique et les guerres menées de front par des soldats dissimulant à peine une poignée de gouvernants planqués. La réponse musicale de 32 groupes sur plusieurs jours comme un cri de liberté. Vivons-nous une ère semblable qui nous rapproche du chaos ? Une ère de mutations sociales, religieuses, sexuelles ? Malick inscrit-il son film dans un contexte ou l'ordre semble n'être plus qu'un simulacre ? "Song to song " pourrait être au-delà d'une lecture ordinaire, une expérience cinématographique et sensorielle proche d'un concert et surtout une réponse en filigrane à nos maux. Halos de néons, rockstars en transe, public déchaîné, saphisme doux, métaphore d'un liquoreux en sperme, la liberté rock n'roll comme l'entendaient nos vieux, un majeur bien tendu et la liberté de dire merde. Après tout, le dernier mot reviendrait presque à Val Kilmer dont l'apparition en papy du rock ferait presque surgir le fantôme de Jim Morrison. "Light my fire" aurait pu dire Malick en guise de final cut avant de plonger les corps, une dernière fois, dans les éternelles eaux salvatrices de ses piscines. "Song to song" ou l'art de s'aimer et de s'entre-déchirer en paix.
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le 14 juil. 2017
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