l’Afghanistan à l’Iran, SONITA suit le parcours d’une jeune réfugiée afghane déterminée à se battre pour ses rêves et à ne pas laisser sa famille décider de son sort. Déjà l’auteur de six documentaires animés, Rokhsareh Ghaem Maghami filme avec SONITA la trajectoire d’un destin en plein bouleversement et pose la question : une autre vie est-elle possible pour qui s’accroche à ses rêves ?
Sonita rêve de devenir chanteuse. Ses parents idéaux sont Rihanna et Michael Jackson. Pour elle, le rap est le meilleur moyen d’exprimer sa parole, de se faire entendre et de ne pas être insoumise. Mais en Iran comme chez elle, les femmes n’ont pas le droit de chanter. Accueillie au sein d’une ONG qui s’occupe des migrants, Sonita a confiance en l’avenir, elle en est sûre, elle deviendra célèbre. Elle tient un journal sur lequel elle colle des images glanées de sa vie future : sa maison de rêve, sa photo sur le corps de Rihanna en concert etc… Une manière pour elle de ne jamais perdre de vue ses rêves. Sa mère qui est restée en Afghanistan et qu’elle n’a pas vu depuis sept ans vient lui rendre visite. L’objet de ce déplacement est vite clair : sa mère veut la marier contre 9000$, somme qui permettra à son frère de se marier à son tour. L’ONG ne peut pas se permettre de verser une telle somme et le destin de Sonita semble réglé : elle devra s’y résoudre.
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Au départ, la réalisatrice voulait suivre le sort des migrants au sein d’une ONG en Iran. Mais très vite, les rêves de Sonita ont pris le dessus et bientôt la perspective d’un mariage forcé pour arranger sa famille. En filmant le réel, Rokhsareh Ghaem Maghami voit son film prendre un autre tournant et suivre le fil d’un dénouement qu’elle peut encore changer. Au-delà de dresser le portrait d’une jeune afghane insoumise, la cinéaste prend le pari de contredire un destin et se met elle-même en scène dans les choix qui lui incombent. C’est peut être là que le film devient le plus intéressant (même si le personnage de Sonita est très charismatique et nous emporte), dans ce questionnement inhérent à la place du réalisateur et son rôle de “filmeur“.
« C’est peut être dans ce questionnement inhérent à la place du réalisateur et son rôle de “filmeur“ que le film devient le plus intéressant »
Pourtant, le pari ne semblait pas gagné d’avance : une cinéaste iranienne filmant une jeune femme afghane qui veut devenir rappeuse et refuse son mariage forcé, voilà une situation de départ déjà pleine d’obstacles ! Mais c’est en contournant ces contraintes liées aux conditions de la femme que le film déploie une véritable liberté de ton et de filmage. La cinéaste n’hésite pas à se mettre en danger, à s’exposer et se filmer quitte à “perdre“ son récit de départ. Son coeur balance entre son film et la réalité et elle transforme ses doutes et ses questionnements en acte filmique. C’est parfois un peu long mais ces scènes rendent aussi compte que le cinéma peut se ré-approprier la vie.
On ne présente plus le cinéma iranien qui a acquis aujourd’hui une reconnaissance internationale notamment grâce au regretté Abbas Kiarostami et à d’autres cinéastes comme Asghar Farhadi, Mohsen Makhmalbaf ou Jafar Panahi. Ce qu’on sait moins en revanche c’est que le documentaire a une place prépondérante en Iran et voit chaque année l’émergence de nouvelles femmes documentaristes. Rokhsareh Ghaem Maghami en fait partie et nous livre avec SONITA un beau portrait d’une femme résolument libre.
Par Anne Laure, pour Le Blog du Cinéma