On voit bien sur quel argument le film tente de se construire : un couple en train de lentement se désunir est brutalement mis en face de difficultés extérieures énormes et pour faire face à celles-ci, l'homme et la femme sont un peu dans l'obligation de se rapprocher, de se serrer les coudes. Et en s'aidant l'un l'autre, ils se redécouvrent et l'amour qu'ils ont pu avoir l'un pour l'autre et qui était sur le point de s'éteindre, se réanime et réunit leur couple qui donc perdurera.
C'est une idée de scénario qui pourrait se défendre, sauf que... on ne croit pas à cette histoire, parce que plein de choses ne vont pas dans ce film, ou ne fonctionnent qu'approximativement.
1. D'abord, qu'est-ce qui attire les deux navigateurs dans cette île désolée, non loin de l'Antarctique ? Il n'y a que des cailloux, des montagnes de cailloux, pas d'arbres, une sorte de toundra pelée (et puis glacée, balayée par le vent et la neige). "La beauté de l'île", dit à un moment l'homme que joue Gilles Lellouche. Ouais, sincèrement il y a mieux. Mais admettons qu'ils y viennent par goût de l'aventure et pour le plaisir de la découverte.
2. Quand le couple Lellouche / Mélanie Thierry, seuls dans leur voilier à moteur, décident d'explorer l'île dont ils ne savent rien, au lieu de jeter l'ancre dans une anse où le bateau serait un peu à l'abri, ils abandonnent celui-ci à une centaine de mètres de la côte, gagnant celle-ci à bord d'un petit "canoé" à moteur et ils s'enfoncent à l'intérieur de l'île en ne se souciant pas du tout de leur bateau (qui est pourtant la seule chose les reliant à la vie civilisée). Ils s'attardent dans l'île pour admirer des paysages qui ne sont que modérément admirables. L'heure et le temps tournent et à leur retour sur la côte, la mer est devenue houleuse et a emporté le bateau. C'est une imprévoyance et une faute de navigation impardonnables. L'homme que joue Lellouche est un franc crétin de s'y être laissé prendre. Il met ainsi deux vies en péril.
3. Comme par hasard, leurs smartphones ne sont pas waterproof et ne marchent plus : impossible de lancer un appel au secours. Ils sont donc coincés sur cette île caillouteuse où il n'y a quasiment rien à bouffer, une fois que les manchots ont compris qu'ils devaient se méfier d'eux et qu'il valait mieux déserter le lieu.
4. Il y a quelques péripéties, mais classiques et prévisibles. Je ne les détaille pas. L'hiver arrive...
5. Heureusement que la femme, que joue Mélanie Thierry, a davantage de ressources (intellectuelles, morales et même physiques, en tout cas dans le scénario). Ce qu'elle réussit à faire alors est quasi miraculeux, et le spectateur le plus crédule aura un peu de mal à y croire.
6. Il y a donc trois personnages : Benjamin / Gilles Lellouche, Laura / Mélanie Thierry et l'île, peut-être belle (ça dépend des goûts), mais sûrement inhospitalière. Le couple Lellouche - Thierry fonctionne couci-couça. C'est elle qui tire le mieux son épingle du jeu. Lui est, dans un rôle qui ne le met pas du tout en valeur, tout à fait quelconque.
7. De Thomas Bidegain, qui a, comme on sait, signé le scénario de films réputés, je m'attendais à autre chose. Son film est décevant. Même la photographie m'a déçu (on sait que le film a été tourné en Islande, hé bien je n'ai pas été ébloui par les paysages choisis, alors que bien photographié, ce pays est superbe).
Je conclus. On ne peut pas dire que Soudain seuls soit mauvais, car Mélanie Thierry sauve à peu près l'opus, mais si on le compare, par exemple, dans le genre "survival", à The Revenant d'Iñárritu, il est complètement éclipsé, il n'existe pas.