Feel-good movie et hommage à la ville de Hambourg, Soul Kitchen a connu un joli succès à travers l’Europe et été couronné du Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise. Il s’agit de « tranches de vie » autour d’un type avec le dos en compote, tenant un restaurant et légèrement paumé existentiellement, mais raccrochant soudainement grâce à de nouvelles rencontres.
Soul Kitchen prend son inconsistance pour de la bonne volonté. Se voulant résolument excentriques, les situations et personnages sont d’une pauvreté malheureusement transparente. La mise en scène est très rapide, le ton optimiste et volontaire ; ça pétille habilement et en vain, sans savoir faire exister tout ce que ça balance.
La musique tonne sans cesse sans rien drainer, les gags remplissent (souvent cognent fort). La faiblesse voire l'absence d'enjeux empêchent un décollage franc même dans les meilleures passades, la BO est inégale, parfois charmante, le regard d’auteur est prudent, artificiel. On s’épanche dans la fête (dans la foulée du cuisinier théâtral, un DJ est recruté), ça paraît légitime et stimulant selon qu’on est sensible ou pas à sa représentation strictement concentrée sur la piste de danse.
Quand le ton est censé se durcir ou la démonstration se préciser, c'est plat – on dirait qu’un junkie en petite forme l’a composé (avec le gimmick rigolard du vieux marin à la présence ubuesque). D’ailleurs on finit par se demander si ce sont les acteurs ou les personnages qui sont à ce point désynchronisés : Pheline Roggan, quand on joue comme… ça, il y a trois possibilités : on interprète une autiste, on en est une, on a ses priorités ailleurs. Ou bien on est objet d'un film où les femmes en particulier doivent manquer de colonne vertébrale et d'élan vital cohérent. C’est pas un drame en soi, juste un manque de respect pour le chaland, une goûte d’eau dans un océan de vacuité polie.
Un film libre, manquant de profondeur au point de relativiser son caractère, en dépit de tous ses marqueurs culturels et de son énergie. Son excitation peut contaminer l’auditoire, à condition d'être sensible au « message » philanthropique, cinéphage inexpérimenté ou simplement de bonne humeur voire aussi léger que l’écriture du film. C’est du kitsch gratuit, joliment mis en boîte, avec des sursauts d’efficacité (et d’acuité sociologique) qui n’empêchent pas la sensation d’avoir perdu son temps.
https://zogarok.wordpress.com/2017/02/24/seances-express-n26/