Un film. C'est tout ce qu'il aura fallu à Darius Marder pour me convaincre et m'embarquer, sur la base d'un script de docufiction inachevé de Derek Cianfrance. Par ce cri de détresse de Ruben, le réalisateur brise en quelque sorte le quatrième mur. Le mur du son, par la même occasion, tant les questionnements et événements se succéderont, malgré un tempo lent en apparence.


MARDER BITTER FASTER STRANGER


Ahmed est un choix particulièrement pertinent au moment de mener le film tambour battant. Riz, dévot au point d'avoir appris à la fois la langue des signes américaine et la batterie pour les besoins du film, se sera investi à l'extrême, performance in-ouïe à la limite de l'ab-surdité. Sa prestation est habitée, ses conflits intérieurs viscéraux. Sa relation avec Lou est passionnée et passionnante, tant elle évolue tout au long de l'oeuvre.


De son côté, Olivia Cooke déroule une partition tout aussi mélodieuse, son personnage étant tiraillé entre ses projets personnels - sa propre quête d'éclosion - et son Amour et soutien pour Ruben dans son combat. Constamment entre le marteau et l'enclume, elle donne le "la" sans fausse note. Reste à savoir si l'harmonie entre ces deux destins brûlants qui se croisent puis s'éloignent restera parfaite, clé de fa, si elle s'effondrera, clé de sol ou si elle s'achèvera, (co)clé des champs.


MARDER DEAF KILL


Le chemin de croix de Ruben sera long. Absorbé par sa passion, ce cher Ruben, prophète de la musique, est rongé par cette dégénérescence, cette petite mort qui risque bien de le priver de tout. "Please Kill Me", pourra-t-on lire sur son torse tatoué. Une supplication quant à l'issue à donner à son calvaire ?


Quels choix s'offrent donc à lui ? Accepter son sort et tout arrêter afin de préserver le capital auditif qu'il lui reste ? Ignorer ses maux et acter sa rébellion et son esprit "Deaf Metal" face à l'inéluctable ? Se battre – peut-être vainement – en vue de retrouver du sens et jouer une nouvelle fois devant son public, tous serrés comme des sourdines ?


Embrasser sa surdité ou combattre. Samson, sans son, sans son tout, sent devant ses semblables, son heure de gloire sonner tandis qu'il sent son sang ne faire qu'un tour devant cette situation qui semble sans issue. Cette lourde épreuve s'assimile alors à une quête de sens: la promesse d'un tympan pimpant est si alléchante ! Silence. Que faire ? Par à-coups, son avenir se joue à coups de baguettes, acouphènes. A coup sûr.


MARDER AMERICAIN


Sous ces atours de production indépendante US, Sound of Metal est une véritable invitation de Darius à nous faire entrer dans sa propre danse du drame social. A cet effet, on notera qu'un travail phénoménal a été accompli sur le son: l'immersion est totale, la souffrance peut ainsi être partagée au même volume par tous. Touché pour des raisons personnelles diverses sur lesquelles je ne saurais m'épancher, le film de Marder m'aura offert un aperçu prégnant et percutant du quotidien d'une personne malentendante. La perte d'un sens, ses conséquences au quotidien. A ce titre, Paul Raci et Lauren Ridloff apportent leur expérience en la matière, en tant qu'excellents seconds rôles. Seconds certes mais jamais secondaires.


Le film a également été pensé pour être visionné avec sous-titres. Un jusqu'au-boutisme auquel j'aurai particulièrement goûté, et qui me poussera à revoir Sound of Metal, encore et encore.
Quand phonème, on ne compte pas.

Gothic
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le 29 juin 2021

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