Un film impressionnant qui procure une expérience assez unique. À partir d’un pitch assez simple (le personnage perd un faculté qui lui était précieuse et nécessaire pour sa vie et va donc découvrir une vie qu’il ignorait), le film en devient bouleversant pour le travail fait pour nous mettre dans la peau de Ruben. Au-delà même de vouloir éveiller les consciences sur la surdité, l’intrigue n’oublie pas de développer un véritable arc narratif pour Ruben, de créer un personnage humain et attachant, avec ses faiblesses et ses forces qu’il utilisera pour avancer et changer. C’est ce qui fait qu’on accroche au film dès les premiers instants et qu’on ne démordra pas jusqu’à la fin, même si je trouve le dernier acte un peu longuet du coup. Même si c’est sans doute le point central du film, celui où on prend conscience de ce qui se jouait depuis le départ du film, celui qui permet à Ruben de prendre conscience qu’il doit tourner la page et commencer un nouveau chapitre ; ça m’a paru un peu moins bien maîtrisé que le reste.


L’évolution de Ruben au cours du film sera assez parlante, non seulement parce que ça suivra un schéma plutôt classique pour le genre, mais surtout par l’effort mit pour nous mettre dans sa peau. Que ce soit au départ, où la langue des signes n’est pas sous-titrée (et donc si, comme Ruben, on n’a jamais pris le temps de l’apprendre, on est complètement perdu), ou bien tout au cours du film où l’expérience sonore est au cœur du film ; on vit cette histoire comme Ruben. On s’y attache sans pour autant le prendre en pitié. On comprend sa colère, son impatience, son agitation, sa nervosité. Comme lui, on a toujours ce petit truc qui nous fait vouloir surmonter frontalement ce qu’on considère comme un handicap, avant de comprendre qu’il faut l’embrasser pour atteindre cette sérénité. Que ce n’est pas aux sourds et malentendants de s’adapter à la société, mais à la société de les accepter tels qu’ils sont.


Le casting est impérial. Olivia Cooke est plutôt intéressante dans ce qu’elle propose même si on ne la voit pas beaucoup, mais elle incarne plutôt bien cette ancre qui maintient Ruben à son ancienne vie. Lauren Ridlof sera tout aussi marquante dans les quelques scènes qu’elle a, permettant à l’inverse l’introduction de Ruben dans sa nouvelle vie. Les deux ont des rôles très différents dans le film, mais l’équilibre qu’il y a dans ce qu’elles représentent est assez intéressant. Le reste du casting est dans l’ensemble plutôt bon, surpris de retrouver Mathieu Amalric. Mais oui, deux personnes sortent clairement du lot : Paul Raci, qui est incroyablement bouleversant dans le rôle de Joe, véritable mentor pour Ruben, et puis bien sûr Riz Ahmed dans le rôle principal, qui est éblouissant de force. Il dégage dans ce film quelque chose d’aussi unique que l’expérience qu’il nous fait vivre.


Sur le plan technique, le film est aussi une bonne réussite. La mise en scène est juste et efficace. Sans forcément à faire beaucoup de chichi, Darius Marder se contente de plans simples et efficaces, mais bordel qu’est-ce qu’il arrive à nous transmettre par ses plans. Je n’arrive pas à comprendre qu’il n’ait pas été nommé, alors qu’il est sans doute l’un des plus fort de cette année. Outre la symbolisme évident du dernier plan, c’est ce qu’il arrive à transmettre et à filmer qui rend cette mise en scène incroyable. Doublé d’un montage presque instinctif, les scènes deviennent leurs propres grilles de lecture pour les déchiffrer et savoir comment les interpréter. Les plans généraux pour montrer qu’on est dans l’environnement extérieur, les plans rapprochés en steady-cam pour souligner qu’on est dans la tête de Ruben. C’est simple, mais terriblement efficace quand on y ajoute l’énorme travaille sonore.


La musique est dans l’ensemble très sympa, mais malgré le titre du film, c’est bien un détail secondaire. La force du film, c’est l’expérience sonore qu’il nous procure pour nous faire rentrer dans la tête de Ruben, nous faire comprendre ce qu’il vit, ce qu’il endure. Et c’est fait avec un soin et un brio rare, unique, qui ne peut être qu’applaudit. Le film dispose déjà de très solides arguments de lui-même, et le son lui permet de se transcender pour en faire quelque chose d’unique et poignant.


Sound of Metal est une œuvre à voir, mais aussi à écouter. Le film n’est pas parfait, il est peut-être parfois trop simpliste, mais il respire d’une puissance incroyable. Une merveille !

vive_le_ciné
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le 3 juil. 2021

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