Eh ben, si je m’attendais à ça… Je n’avais jamais entendu parler de In The Heat of the Sun avant que ça sorte chez Spectrum Films. Je connaissais Jiang Wen, plus pour les films dans lesquels il est acteur tels que The Lost Bladesman ou The Missing Gun, mais je ne m’étais pas forcément intéressé à sa filmographie en tant que réalisateur. Avec ce premier film, adaptation libre du roman Wild Beast de de Wang Shuo, Wen nous présente via une voix off un personnage qui se remémore son adolescence avec pour toile de fond la révolution culturelle chinoise. Le constat est sans appel : on prend une petite claque dans la gueule. In The Heat of the Sun est une ode à la jeunesse, une histoire exaltante sur le passage à l’âge adulte tantôt légère, tantôt dure, parfois tendre, parfois triste, mais toujours passionnante, presque hypnotique. Un grand film ? Sans aucun doute oui.


Dans In The Heat of the Sun, Pékin est une ville presque vide. Les adultes sont partis soutenir Mao dans la grande révolution culturelle prolétarienne et Pékin appartient désormais aux adolescents qui passent leurs journées à errer, à se battre, à sortir et à fumer. A cette époque, les parents n’avaient que peu de temps à consacrer à leurs enfants et nous allons suivre les péripéties d’un groupe de jeunes, et plus particulièrement de Ma Xiaojun, dit « Monkey », un jeune homme en proie à des changements (ce désir nouveau pour les jeunes filles, ce besoin de s’affirmer, …). Il veut devenir un héros et cherche à prouver à ses amis qu’il n’est désormais plus un enfant. Il crochète des serrures de portes pour s’incruster dans des maisons (mais sans jamais rien voler), il n’hésite pas à tabasser à coups de briques un jeune d’un gang rival ou encore, pour les beaux yeux d’une jeune demoiselle, il escalade une cheminée d’une dizaine de mètres de haut et se jette à l’intérieur. Bien qu’il s’agisse d’une période de grands bouleversements et de persécutions politiques dans la société chinoise, le réalisateur, à travers les yeux de ce personnage qui raconte sa jeunesse, essaie de garder un ton léger. Ce ton avec lequel on raconterait des souvenirs lointains desquels on n’a gardé que ce qui est important, que ce qui nous a marqué. Souvent des détails, souvent des moments anodins, mais surtout des moments qui comptent. Un peu comme si cette révolution nous était contée avec un filtre rempli de rose barbapapa et de paillettes. Bien entendu, cette révolution culturelle et ce que ça comporte n’est jamais bien loin, et on nous le rappelle discrètement, par des détails, par des scènes bien plus lourdes, parfois tristes, ou simplement par une musique (comme lorsque L’Internationale retentit), mais Jiang Wen, qui semble avoir mis pas mal d’éléments autobiographiques dans son film, s’attarde vraiment sur ces personnages auxquels il semble attaché et qu’il traite avec le plus grand des soins. Ici, c’est l’insouciance qui prime, ce sont les premiers émois amoureux, et In The Heat of the Sun montre une autre facette de la vie pendant les dernières années de cette révolution culturelle.


Le film dépeint tellement d’émotions et de sentiments auxquels nous pouvons tous nous identifier, à travers des personnages réellement attachants. Xia Yu, qui interprète ce jeune homme qui a tant à prouver, est tout bonnement exceptionnel, capturant à la fois la joie et la maladresse de l’adolescence avec un naturel désarmant. La jolie Ning Jing (The Missing Gun, Shanghai Grand) n’est pas en reste et signe ici une de ses meilleures prestations. La relation qu’entretiennent leurs personnages est une réussite totale, avec parfois un côté presque érotique, sans aucune scène de sexe, juste parce qu’on devine ce qui traverse l’esprit du protagoniste principal. In The Heat of the Sun aborde de nombreux sujets, comme la romance, le premier amour, l’amitié, la jalousie, et il est impossible de ne pas se remémorer notre propre jeunesse durant le visionnage tant ce qu’il raconte est universel. Cette insouciance, cette exubérance, cette joie de vivre, même lorsqu’on est confronté à des moments difficiles (ici, la révolution) et le fait qu’on se raccroche toujours à des détails insignifiants, des petits moments parfois hors du temps, qui resteront gravés, même si parfois déformés, embellis. C’est ce que tente de faire ressortir Jiang Wen, avec ces souvenirs qu’il dit lui-même être potentiellement faussés, remaniés, s’amusant avec le concept de la mémoire lorsque cela concerne la nostalgie. Quel souvenir est vrai ? Quel souvenir est faux ? Qu’importe au final, on se laisse porter 2h20 durant, sans ennui, accompagné par une très belle et douce bande son. La mise en scène n’est pas en reste et là aussi Jiang Wen fait preuve d’une réelle maturité, surtout pour un premier film. La caméra semble aussi libre que les personnages qu’elle suit, tantôt caméra à l’épaule, tantôt plus posée. Les couleurs sont toujours très bien choisies, avec des teintes chaudes et ensoleillées, et certains plans sont réellement de toute beauté. On sent énormément de maitrise et de confiance dans In The Heat of the Sun et rarement un réalisateur aura si bien capté ce passage à l’âge adulte, qui résonne d’autant plus fort si on fait le parallèle avec la Chine de cette époque, en pleine transformation, à l’instar du personnage de Ma Xiaojun.


In The Heat of the Sun est un grand film sur le passage à l’âge adulte. Une ode à la jeunesse si simple et pourtant si puissante, si touchante, si attendrissante. Un grand film et surtout un grand merci à Spectrum Films de nous donner la possibilité de voir ça chez nous.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-in-the-heat-of-the-sun-de-jiang-wen-1994/

cherycok
8
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le 20 oct. 2022

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