Avant la nouvelle vague, Terry Gilliam, Robert Altman et JP Jeunet !

Je vous ai déjà parlé de mes tendances suicidaires ?
En fait à chaque fois qu'on me propose de voir un film français, j'ai un haut-le-coeur, un début de malaise, une suée sur le front, et là j'ai des pensées morbides qui surviennent.

Putain, les deux derniers que j'avais dû me farcir, c'était "Petits arrangements avec les morts" (http://www.senscritique.com/film/Petits_arrangements_avec_les_morts/critique/29459989) d'une réalisatrice qui a dû passer plus de temps en psychanalyse qu'au cinéma, et d'un type qui fantasme sur les transsexuels brazilou du bois de boubou dans un trip mystico gay "Tiresia" ( http://www.senscritique.com/film/Tiresia/critique/29919501 ), probablement le pire film que j'ai vu de toute ma vie.

Bref, quand on me dit que je dois mater un bon vieux film français de Julien Duvivier (Julien qui???), des années 50, je suis pas bien, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?
J'ai peur, bien sûr je sais que ça sera différent, mais de la modernité lénifiante va-t-on passer à la franchouillardise rance et vieillotte ?

Le cinéma français est-il si nul que ça ?
Non, je n'y crois pas, ça n'est pas possible, je suis mal tombé... De Broca, c'est un bon lui pourtant ! Le Magnifique ! Les mille et une nuits, que tout le monde déteste (peut-être ai-je des goûts de merde tout simplement?)
Belmondo ! Melville pas mal aussi ! Enfin je vais pas faire un catalogue, déjà que j'y connais pas grand chose, juste des noms, des icônes, des légendes, et aucune qui à priori ne me fasse franchement rêver.

En plus je passais la première partie du concours de la Fémis récemment. Section montage.
Je suis pas fou non plus, en section réalisation, ils sont 350 et ils en prennent 5, et de toute façon après soit ils font des films de merde, soit ils font rien du tout.
En montage on n'est "que" 80 tout au plus, et ils en prennent 6.
Et puis si t'es pris, au moins t'as un boulot technique, t'as une expertise, tu peux taffer concrètement.

Parce que réalisateur c'est quoi ? Tu sais diriger des comédiens, t'as un certificat qui l'atteste ? Tu sais diriger les techniciens, t'as une vision ? Génial, et concrètement ça correspond à quoi ? C'est vague.

Au moins derrière la table de montage, on m'emmerde pas, je coupe, je découpe, je colle, je recolle je fais des trucs nuls ou pas peu importe, mais je sais ce que j'ai à faire, un objectif défini, et un résultat au bout réussi ou pas.

Bref, je m'égare...

Je demandais aux étudiants que je croisais (et qui flippaient) quels étaient leurs films préférés ?
Putain, on me sortait du hiroshima mon amour, de la nouvelle vague en veux tu en voilà, du film français, du "Resnais, ce génie!"...

Moi je leur disais : moi je kiffe les films baroques, j'adore de palma, ken russell, fellini, je me suis fait toute la filmo de kurosawa récémment (Kurosawa? Kyoshi ? me répondit un morveux de 20 piges) => Non, le vrai Kurosawa, sombre idiot...
Alors certes c'est pas très baroque pour le coup, je t'avoue m'être beaucoup fait chier, surtout dans sa première période néoréaliste et tout, putain les bas fonds, horrible, Barberousse bof!

Là le mec avait déjà arrêté de m'écouter depuis belle lurette, sachant qu'il n'y connaissait visiblement rien à Akira. Et puis quelle idée de mater des films japonais des années 40, même mes amis me demandent si je suis maso, et les gens de la fac commencent à se demander si je ne suis pas fou, quand eux se pâment sur le remake de Carrie ou sur Captain America...

Bref, je m'égare encore.

L'angoisse augmentait quand je leur disais à tous ces jeunes prétendants aux dents longues, que la nouvelle vague m'emmerde (bon je suis de mauvaise foi, j'ai dû voir trois films en tout), que le cinéma d'auteur français me gonfle, et que je préfère voir de bons films, avec de bonnes histoires, et de bons techniciens.

Ils étaient perplexes.
Que vient faire ce fou à la Fémis ? Pensaient-ils. Comment est-il possible de ne pas aimer le cinéma d'auteur français ?

A vrai dire j'en sais rien. Mais j'aime pas.

Alors, je laisse une chance à Duvivier, et à Paris...

Parce qu'il faut aussi que je vous précise que je n'aime pas Paris.
Trop gris, trop gros, des routes trop larges, trop de voitures, Haussmann c'est vilain, plein de gros blocs carrés, j'aime pas Paris.
En plus c'est pollué, ça pue, c'est opaque, y a de la fumée partout, je me sens malade à Paris.
Surtout si je prends pas la voiture, je dois me farcir une heure de train.
Et le train ça fatigue, je suis déjà crevé à peine je pose le pied dans la capitale.
Non décidément j'aime pas Paris.

Romantique Paris ? Mouais bof, je préfère l'exotisme, la jungle, la nature, la forêt, les cascades, les moustiques, les lacs, les serpents, les gnous, les lions, les tigres, ...

Le film se lance..
La (magnifique) voix off de François Périer surplombe le ciel parisien. Il fait nuit. Le tracé de la Seine dessine une ligne de fracture dans le plan, et la ville scintille. Et c'est beau.

Soudain, François Périer le deus in machina du film, fait tourner la roulette du destin, et nous présenter les vies de différents personnages qui vont errer dans ce décor unique au monde, le temps d'un film, et se croiser... Mais oui! Un film choral ! Dans les années 50 ! C'est énorme ! Enfin un peu d'ambition !:

- Une vieille dame et ses chats, complètement seule et miséreuse
- Une provinciale qui débarque et qui veut trouver sa place dans cette grande ville, et peut-être aussi l'amour !
- Un interne qui ne supporte pas la pression et qui rate toujours son concours de médecine, et qui n'a plus qu'une seule chance
- Un ouvrier en grève qui aimerait rentrer chez-lui
- Des enfants qui revisitent le bateau ivre, depuis leur barque sur la Seine
- Un inquiétant psychopathe, sculpteur le jour, tueur de femmes la nuit, ancêtre stupéfiant de Norman Bates.
...

Et c'est absolument formidable et hallucinant de maîtrise. Formellement d'une classe folle, d'une élégance, d'une fluidité, les raccords sont remarquables, on passe d'une scène à l'autre sans s'en rendre compte (parfois, un simple panoramique filé permet de changer de lieu et de situation en une fraction de seconde), de temps à autre Périer intervient et s'amuse avec le récit, s'en moque même (bonjour la nouvelle vague), le redirige, prévient, interpelle, inquiète...

C'est drôle, léger, hyper dynamique, enjoué, la musique "Sous le ciel de Paris" est mythique, ça joue avec les genres multiples et qui se marient avec grâce (du film documentaire, au néoréalisme, au thriller, à la chronique médicale!), c'est toujours surprenant, c'est ciselé, incroyablement précis, et totalement impressionnant.

Terry Gilliam ? Regardez la scène monumentale de l'examen de médecine, et vous penserez nécessairement aux meilleurs moments de l'armée des 12 singes, filmés en grand angle, quand Bruce Willis est interrogé sur son expérience par les scientifiques dans le futur. Festival de gros plans tordus, de zooms, d'inserts sur des détails comme l'horloge qui tourne et qui fait augmenter la pression, le stress du candidat qui commence à bégayer sous l'oeil inquisiteur des jurés...

Robert Altman ? Le film choral évidemment, hyper dur à manier, potentiellement très lourd, très artificiel. Là oui ça l'est un peu dans la façon dont les destins finissent par se croiser, c'est peut-être un peu exagéré, un peu gros...
Le tournant final comédie légère/tragédie est assez brutal, déroutant, le film devient finalement très noir, peut laisser perplexe dans un premier temps... Et le contraste est tel qu'il devient assez fort et marquant.

En fait le film n'était pas aussi léger et gentil qu'il en avait l'air, et on l'avait pas vu venir !
Et puis franchement on y prend tellement de plaisir, qu'on accepte la règle du jeu, c'est un film, on force les destins pour qu'ils se croisent pour le pire et pour le meilleur, et c'est même le principe du film, donc ça passe.

Akira Kurosawa ? Juste pour troller en disant que la scène d'opération à coeur ouvert, mange toutes les séquences médicales que Kuro a pu réaliser tout au long de sa carrière.

JP Jeunet ?
Evidemment, comment ne pas penser à Amélie Poulain (on pourrait même croire qu'il y a pas mal de repompe, mais en perdant l'authenticité au change), et à Delicatessen.
Je vais pas faire le réac, non, Jeunet a dû très certainement s'inspirer de Duvivier, et il a raison, vu la qualité du film d'origine...

Mais il y a un charme difficile à retrouver aujourd'hui.
D'abord le Paris des 50's a vraiment de la gueule, et rien que le fait de voir des types pêcher dans la Seine des poissons qui ne soient pas radioactifs, vaut tous les petits bonheurs du monde.

Bref, je devrai peut-être relaisser une chance au cinéma français...

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le 6 avr. 2014

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KingRabbit

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