Paris populaire ! Paris vivant ! Paris humain ! Mais Paris sombre !
Cet excellent film d'un Julien Duvivier en grand forme peut être pris sous deux aspects, et l'oeuvre est aussi remarquable sous l'un que l'autre.
D'abord comme un témoignage de ce que c'était que le Paris populaire, bien avant que les bobos et le bling-bling n'envahissent tout, ce que c'était le véritable Paris... Paris n'a pratiquement pas changé sur le plan de la construction mais en étant totalement hors de prix elle a totalement perdu une chose essentielle, son âme...
Ensuite comme un film choral... Georg Wilhelm Pabst avait déjà prouvé au temps de muet, mais malheureusement avec un film assez moyen "La Rue sans joie", que ce type de cinéma n'a pas attendu Alejandro González Iñárritu, Robert Altman et Paul Thomas Anderson pour exister. Là on a la preuve que le cinéma français pouvait aussi en faire quelque chose de très grande qualité.
Un pêcheur du dimanche, un ouvrier participant à une grève alors qu'il préférerait fêter ses noces d'argent avec sa famille, un mannequin de chez Dior à qui on propose un contrat en or pour les Etats-Unis mais qui souhaite rester avec son petit ami brillant étudiant en médecine souffrant hélas trop du tract pour réussir ses examens, une gamine qui a fugué pour ne pas se faire battre par son père parce qu'elle a encore eu une mauvaise note, une jeune femme fraîchement débarquée de sa Province pour chercher le grand amour, une vieille femme qui peine sérieusement à joindre les deux bouts (c'est fou comme il y a des choses qui ne changent jamais !!!) et qui cherche 64 francs pour nourrir ses chats, et un sculpteur tueurs en série de femmes... C'est avec cette galerie de personnages, dont absolument rien au début ne les prédestine à voir leurs destins se croiser s'entrecroiser, croqués avec une grande justesse, sans la moindre parcelle de manichéisme (même le plus sombre d'entre eux s'avère être un chic type à un moment de l'histoire !!!) que l'on va vivre une journée de la capitale française...
Des dialogues étincelants d'Henri Jeanson (pléonasme !!!), dont se délecte la voix-off de François Périer, un film qui mêle avec subtilité vivacité, amour des personnages, lueurs d'espoir, et Duvivier oblige aspects très dramatiques et très sombres, des acteurs, pas de stars mais des seconds rôles qui nous sont familiers et quelques inconnus, brillants...
Bref "Sous le ciel de Paris" est une belle définition de ce que le cinéma français d'avant la Nouvelle Vague pouvait faire de mieux en terme de divertissement (dans le sens noble du terme !!!), d'audace et d'intelligence. Finalement il n'y a pas que Paris qui a perdu son âme...