"Sous le lampadaire" pourrait constituer un mélodrame parfaitement classique du cinéma muet international de son époque s'il n'offrait pas une richesse narrative plutôt étonnante, étalée sur plus de deux heures, et quelques passages descriptifs très originaux.


S'il démarre de manière convenue, en exposant la romance compliquée entre une jeune femme et son amant dont l'amour se trouve entravé par la rigueur austère d'un père-la-pudeur protecteur, il évoluera rapidement vers un cycle de péripéties beaucoup plus consistant. On l'apprendra assez vite, la région sous le lampadaire auquel le titre renvoie est une image de la prostitution. La protagoniste, Else, au terme d'un voyage à travers tout le spectre des sentiments amoureux, y trouvera son point de chute tragique. "Sous le lampadaire" s'intéresse surtout à cette trajectoire qui la verra passer de la comédie, du music-hall et du théâtre à la prostitution, des numéros de foire déguisés en cheval à la honte de la rue, dans une chute sociale et un effondrement moral spectaculaires.


Cette descente vers les bas-fonds est plutôt classique dans son développement global, mais le charme des deux comédiens au destin cruel ajoute une certaine consistance. Lissy Arna est sans doute un peu trop effacée, dans l'ensemble, mais le couple qu'elle forme avec Mathias Wieman (étonnant demi-sosie allemand du siècle dernier de Clive Owen) fonctionne relativement bien. Au-delà du tableau de la vie urbaine dans les années 20, le film propose quelques moments surprenants, d'une originalité remarquable : c'est notamment le cas lorsqu'il s'attache à décrire un bref épisode de la vie de Else, tandis qu'elle jouit d'une richesse matérielle aussi épisodique que prononcée, au milieu de son parcours chaotique. Une longue séquence décrit le faste de cette vie avec une profusion de détails savoureux, sans jamais montrer le visage des intéressés : toute l'aisance ostentatoire de cette condition temporaire passe par la description minutieuse d'une pléthore d'attributs, de l'argenterie à la lingerie, des tables de dîners somptueux aux tissus raffinés exposés sur des canapés moelleux.


Un contraste évident et percutant avec la fin du film, qui se termine sur une image du bonheur dont le caractère extrêmement partiel en renforce les aspects tragiques.

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le 23 mars 2018

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Morrinson

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