2016 aura été l'année du cinéma belge, avec des oeuvres originales, perturbantes parfois, mais toujours passionnantes ! "Les Ardennes", "Belgica", "Préjudice", "Les premiers, les derniers", "Je me tue à le dire", "Tous les chats sont gris", "La vie est belge"... sans compter les co-productions sont autant de pépites réjouissantes que j'ai pu voir et pour lesquelles je me suis laissé embarquer pour mon plus grand plaisir (euphémisme !).
Est-ce un signe ? "Souvenir" arrive en cette période de fêtes comme un cadeau de Noël avant l'heure, une friandise gourmande dont je me suis délecté ! Une fois de plus, on se rend compte que les cinéastes belges ne font pas dans une logique marketing, visant les tops du box office, non plus dans celle de séduire une presse aigrie ou élitiste. Ce sont des auteurs qui s'assument, nous livrant leur monde intérieur, une vision de la vie rêvée ou plus sombre. Le dénominateur commun en chacun d'eux est la passion, qu'ils transmettent à un public sensible qui cherche autre chose dans le cinéma qu'une image glacée ou impressionnante.
Mais revenons en à ce film qui réunit un couple d'acteur formidable. Isabelle Huppert, d'abord, actrice incontestée de 2016 ("L'avenir", "Elle", "Tout de suite, maintenant") qui pour chaque rôle ou chaque apparition éblouit la pellicule de sa présence. Kevin Azaïs ensuite (déjà formidable dans "Jeunesse" cette année) qui se place comme la plus belle révélation de la décennie. Il pourra tout jouer car on voit en lui une multitude de personnages allant du gosse des cités, au jeune aristocrate, en passant par un poète éclairé ou le trader féroce. Son jeu est incandescent, le charisme surprenant !
Liliane et Jean, Jean et Liliane, elle ancienne chanteuse qui a failli gagner l'Eurovision et s'est recyclée dans le pâté, lui boxeur en devenir peu convaincu pouponné par une maman omniprésente. Le destin va les mettre en présence, et bien évidemment l'amour ne sera pas étranger à cette rencontre. Un amour entre strass et paillettes, presque irréel, un poil indécent (penseront les prudes de service) qui tient au domaine de l'illusion. Celle d'une femme éteinte et celle d'un jeune homme perdu. Tous deux rêvent d'ailleurs, et c'est cet ailleurs qui va les réunir, par le biais d'une carrière relancée... qui même minable devient essentielle. L'important est ailleurs, il se trouve dans leur reconstruction, dans leur réveil à la vie qui fait que les automnes ne mènent pas immanquablement à l'hiver et que le printemps est parfois plus intense que les heures chaudes de l'été. Liliane a plus de son âge, qu'importe, comme le chanterait Barbara, ils vont se donner avec ferveur aux sables mouvants des amours condamnées même si un jour, demain...
Bavo Defurne est un grand sentimental. Son film à peine voilé d'un kitsch acidulé, est, à l'image de la romance, intemporel, on pourrait le situer dans les années 50, 70 ou de nos jours tant il mixe malicieusement les ambiances. Et sous son apparente simplicité (simplisme vécu par certains) se cache une construction du récit pertinente et réaliste. Liliane n'avoue t-elle pas que cette histoire n'a pas de fondement ? Et pourtant on veut y croire, et on se met à espérer nous aussi que ces deux-là jamais ne se quitteront. C'est la magie du cinéma ! C'est celle de "Souvenir". Souvenirs exhalés du passé, ceux que génère le présent et si tant est que l'on soit tout aussi sentimental, ceux que produira le futur.
La mélancolie de l'existence est gommée par la passion, l'envie de partager et d'être heureux ! C'est l'ambition de ce couple atypique !
C'est aussi celle de son réalisateur. Il offre au spectateur qui sait encore se laisser embarquer, un savoureux "Souvenir" de cinéma qui le ravira, et fera grogner les ronchons de service (mais eux ne savent plus VOIR).
La chanson qu'interprète Isabelle Huppert dans le film https://www.youtube.com/watch?v=S6quTFRhXDo
Et celle de Barabra qui aurait pu illustrer aussi ce film https://www.youtube.com/watch?v=PLxn0lfEzfA