Scream bis
Succès surprise de l'automne 1997 aux Etats-Unis, Souviens-toi l'été dernier est écrit par Kevin Williamson, le scénariste de Scream. Autant dire qu'il ne se renouvelle pas des masses, on retrouve...
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le 28 mai 2017
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1997 : les tous débuts de “Buffy” et de la vague post-Scream de slashers à succès, dont celui-ci reste l’un des plus gros cartons. Le scénario est justement signé Kevin Williamson, le scénariste créateur de Scream. A travers une adaptation très libre (du roman « Comme un mauvais rêve », de Lois Duncan), on retrouve la réflexion habituelle de Williamson sur cette jeunesse choyée, plutôt des gosse de riches (mais pas uniquement), très déconnectée de la réalité et des sens des responsabilité. Si dans « Scream », cette réflexion se jouait brillamment autour d’un jeu méta, de second degré autour des références aux films d’horreur antérieurs, avant que l’horreur ne surgisse au premier degré, violente, concrète, à la figure des personnages, cette fois Kevin Williamson se débarrasse du côté méta dès l’introduction, où les quatre héros se racontent la légende urbaine du tueur au crochet autour du feu, la redéfinissant chacun à son tour, la prenant tour à tour très au sérieux puis à la rigolade. Un jeu de miroir inaugural avec l’histoire que nous sommes venus voir, nous spectateurs. Une fois ce moment de mise en abyme passé, Williamson tourne la page et piège les personnages dans cette même histoire racontée au coin du feu, devenue réalité quand ils reprennent la route et écrasent un homme avant de décider de cacher leur crime. Le côté méta ne ressurgira dès lors plus.
Williamson joue aussi en miroir la structure de « Scream », puisqu’ici nos héros sont dès le départ criminels eux-mêmes, fautifs et puérils, et peu à peu le film fait le chemin de les pardonner. Le possible dégoût de Williamson pour cette jeunesse (qui, dans « Scream », se cache derrière la fiction pour tuer, s’innocente avec cynisme en se disant perturbée par trop de films d’horreur), se transforme au fil de « Souviens toi l’été dernier » en compassion, face au tueur qui semble presque être un reflet du scénariste lui-même (le père de Williamson est pêcheur), jugeant avec trop de dureté ces ados pourris-gâtés, les condamnant un peu trop rapidement comme pour justifier le plaisir de les massacrer.
Cette réflexion autour des ados richous, chez Williamson, est toujours nuancée, dans « Scream » ou ici, mais sera reprise avec moins d’intelligence par pléthore de films d’horreur dans les années 90-2000 où les personnages seront juste détestables. Ici, c’est un peu sur un fil : si le scénario fait osciller notre jugement sur eux, la direction d’acteurs n’est pas toujours maîtrisée, et on manque un peu de s’attacher à certains quand il le faudrait.
Vu vingt ans après, le film est bourré de qualités et aurait potentiellement pu faire partie des très bons films d’horreur, en tout cas être un excellent cousin de « Scream ». La mise en scène de Jim Gillespie est léchée, à commencer par un plan-séquence aérien introductif assez spectaculaire. Les effets sonores, la photographie, et les décors sont travaillés avec beaucoup de soin, dans une atmosphère visuelle entre « Fog » et les « Oiseaux », avec ces paysages balnéaires Californiens et ce boogeyman en ciré noir.
Mais cette élégance classique de la mise en scène se retourne contre le film lors des scènes de mise-à-mort : comme si elle était trop storyboardée, trop léchée, la mise en scène ne décolle pas lors des meurtres. La belle machinerie semble alors scléroser le film. Comme si, au lieu de voir un slasher, on voyait un péplum, avec ce Scope trop luxueux, ces plans à la dolly trop nombreux. Ce problème de rythme et de découpage, sur ces scènes là, nous font deviner d’où surgira le tueur, ou bien, quand le film parvient à nous surprendre tout de même, nous laisse trop le temps de nous remettre du choc, l'horreur retombe aussitôt. La musique, plutôt réussie dans toutes les autres scènes, gâche aussi le plaisir à coups de gros « pooooin » dans les scènes horrifiques. Bref, on à ici en germe ce que seront les défauts de beaucoup de films d’horreur post-Scream. Jusqu’à la séquence d’épilogue se concluant sur un effet de jump scare prévisible (ce qu’il n’y a pas dans « Scream », si ce n’est un simple effet de titrage du générique de fin, plus intelligemment).
Il y a tout de même à sauver deux moments horrifiques : le prologue de 25 minutes en guise de premier acte, court-métrage horrifique autour du crime originel des quatre ados. On y voit l’élection de Sarah Michelle Gellar en Miss du village, le conte de la légende urbaine autour du feu, l’accident, la scène subaquatique où le boogeyman tient la couronne de Miss entre ses doigts… tout ça est assez culte et marque les esprits. Plus tard dans le film, c’est la course-poursuite entre le tueur et Sarah Michelle Gellar qui fonctionnera le mieux parmi les scènes types du genre. L’écho avec « Buffy » y participe, volontairement ou involontairement : son personnage, Hélène, est vraiment un double de Buffy mais qui n’aurait pas ses super pouvoirs. La pom pom girl, à l’humour piquant, un peu garce mais humaine et attachante, fait ici tout pour se battre, avec ruse et courage… Gellar est franchement douée, en scream-queen ici elle évoque tantôt Jamie Lee Curtis, tantôt, par son côté pimbêche et taquine, Tippi Hedren.
Les autres scènes horrifiques étant toujours un peu trop sagement filmées, le film vaut plutôt pour ce qui se passe entre. Par ailleurs, les mises à mort sont peu nombreuses, puisque le tueur s’amuse surtout à torturer l’esprit des quatre ados, à leur faire ressasser leur fautes, ce qui est plutôt honnête dans un film de ce genre (favoriser la logique des personnages à des meurtres gratuits). Le film réussit assez bien à capturer l’atmosphère de ce village balnéaire et la vie de ces ados là : dans le prologue, ils terminent leurs études et font des rêves sur leur avenir. Un an plus tard, le crime sur leurs épaules, la Miss (S. M. Gellar) est devenue vendeuse dans la boutique du coin, son couple avec le beau-gosse riche et sportif (Ryan Philippe) n’a pas duré et ce dernier ne souhaite plus voir ses amis trop ploucs pour lui. La véritable héroïne du film, l’intello de la bande (Julie, jouée par Jennifer Love Hewitt) vouée à réussir ses études d’avocate à New York, est trop traumatisée pour y arriver. Son petit copain, le gars simple (Freddie Prinze Jr.), est devenu pêcheur comme son père, a rompu avec la gentille intello, et semble n’avoir d'ailleurs plus aucun ami.
Les deux actrices Jennifer Love Hewitt et Sarah Michelle Gellar, forment un très bon duo dans le meilleur passage du film, vers le milieu, où elles enquêtent sur ce l'homme qu’elles ont tuée un an auparavant lors de l’accident de voiture. A travers ce passage, leur amitié se renoue, chacune n’ayant réussie à devenir ce qu’elle souhaitait, et l’on sent entre les lignes que leur erreur passée y est pour quelque chose. Enquêter sur leur victime, c’est aussi un moyen de se racheter, de se reconstruire. Ce duo, par ailleurs, fonctionne assez sur la dynamique pom-pom girl sympa / intello plus réservée similaire à celle de Willow et Buffy dans la série éponyme.
Malheureusement, passée la confrontation de Sarah Michelle Gellar au tueur, le dernier quart se concentre sur les scènes de confrontation de l’héroïne (Julie, l'intello) au tueur, et là, d’un côté la mise en scène est trop sage pour faire monter le suspense, d’un autre côté Kevin Williamson n’a pas fait autant d’effort que dans « Scream » pour camper le personnage principal. Cette résolution manque donc d’enjeux intimes autour de ce personnage. D’autant que tout le passage consacré au personnage d’Hélène (S. M. Gellar) lui a un peu volé la vedette, tant par l’actrice que par le background donné à ce personnage secondaire. Enfin, la révélation du tueur manque aussi de souffle, l’interprète derrière la capuche du pêcheur manquant largement de charisme.
En somme, "I know what you did last summer" est une tentative très soignée d’explorer le succès de « Scream », en s’écartant de la formule méta et jeu du second degré, pour privilégier un questionnement de la culpabilité de ces jeunes, questionnement parfois fascinant, touchant, mais qui tombe un peu à l’eau – comme le tueur – dans la résolution. Beaucoup d’efforts à la mise en scène aussi, un beau travail d’atmosphères et de scènes d’enquête, de confrontations des jeunes personnages dont l'amitié se brise après le prologue, mais qui pêche par des scènes de meurtres trop sages.
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Créée
le 28 sept. 2020
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