Gros coup de cœur pour moi au festival de Berlin, « Soy Nero » est non seulement, à sa manière, un film politique qui replace la question humaine au cœur du débat sur l’immigration, mais aussi un petit bijoux de cinéma. J’ai été séduite pas l’image du film, très fort visuellement, et qui m’a fait pensé au cinéma américain des années 80. Intriguant mélange d’ailleurs ; un cinéaste iranien qui tourne un film aux Etats-Unis et adopte une esthétique très ciné indépendant américain… Ca a eu le mérite d’éveiller ma curiosité et je vous confirme que s’il y a un film à voir en cette rentrée 2016, c’est celui-ci !
L’histoire est celle d’un jeune mexicain qui a grandi aux Etats-Unis mais a été renvoyé après les évènements du 11 septembre, et est prêt à tout pour obtenir la carte verte. Au moment où les débats sur les migrants n'en finissent plus, « Soy Nero » apporte sa pierre à l’édifice et renouvelle un peu la question en mettant sur le tapis le sujet des Green Card Soldiers, dont j’ai découvert l’existence avec ce film.
Pendant le débat, le réalisateur a expliqué que le gouvernement de Bush, après les attentats de 2001, avais mis en place le Dream Act, soit la possibilité pour ces sans-papiers de combattre en Irak et d’obtenir la carte verte s’ils sauvaient leur peau… Les Green Card soldiers donc. Une loi bien cynique, comme les américains savent le faire, qui était aussi un moyen de faire grossir les rangs de l’armée américaine en limitant les pertes – puisque, on s’en doutait, ces Green Card Soldiers n’étaient pas considérés comme américains s’ils y laissaient leurs peaux. Une réalité révoltante de laquelle est apparemment née l’envie de faire ce film.
Mais plutôt que de taper sur les Etats-Unis, Rafi Pitts préfère nous montrer avec son film le peu de considération qu’ont les gouvernements pour les hommes... La symbolique que le film met visuellement en place est puissante ; la première image s’ouvre sur la fuite de Nero dans le désert mexicain, une autre plus tard le montre égaré dans un désert étrangement ressemblant, encore et toujours forcé de décliner son identité. Un parcours du combattant qui semble sans issue pour ces illégaux en quête d’un pays d’accueil. "Soy Nero" m’a poussé à reconsidérer les notions de frontière, de nationalité, qui font notre identité et décident parfois tragiquement d’une destinée. Avec Nero, il donne un visage à ces immigrés, à leur combat, et épingle l’absurdité et le cynisme des mesures politiques auxquelles ils se heurtent.