Le Petit Détournement
Soyons clairs (vous pouvez rester Garth) : faire une suite à Space Jam n'a jamais été une mauvaise idée. Le hic, c'est que cette idée date d'il y presque vingt ans, la faire avec Lebron James d'au...
le 20 juil. 2021
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Je n’aime pas Space Jam. Voilà, autant commencer par là : le premier Space Jam n’est pas un bon film et ne mérite pas d’être qualifié de classique par la communauté de fan qui s'est constitué autour. Je sais, on a été nombreux à l’avoir aimé et revu plein de fois ensuite, mais un enfant c’est manipulable pour le pousser à voir n’importe quoi avec des arguments de vente efficace. Et sur ce terrain, Space Jam en avait : faire un film mêlant prise de vue réelle et animation avec le casting des Looney Tunes dont la popularité croissait depuis les années 70.
Entre les courts de plus en plus nombreux après le regain de popularité à l’ère du Nouvel Hollywood, leur apparition dans Qui veut la peau de Roger Rabbit, un nouveau département télé qui voit le jour pour donner naissance aux Tiny Toons, ou leur présence très remarquée dans les spots télé aux USA, c’était le moment idéal pour profiter de la hype à travers un film. Hélas en dehors des animateurs et du mélange animation/live réussi, Space Jam n’avait pas la volonté de raconter une bonne histoire et s’en fichait. Au point de reléguer les Tunes au second plan en plaçant Michael Jordan sous le feu des projecteurs, alors que n’importe quel neuneu sait que les fans se déplaçait surtout voir le film pour les personnages de cartoon.
En ressortait un divertissement mou, quelques minutes seulement ou les Tunes pouvaient se lâcher avant de se faire martyriser comme des victimes, des personnages humains crétins au possible soumis à la règle du "On est dans un film à personnages de cartoons, alors n’importe quelle connerie peut passer !" pour ne pas dire aveugle et détaché de tout. Si on met la nostalgie de côté, c’est un film marketing opportuniste et malhonnête.
Et plus j’y repense, plus je me dis que ce film a contribué à créer la mode des pseudo-Roger Rabbit pour les nuls : des films qui ne reprennent que la forme du bijou de Robert Zemeckis mais ne tentent même pas, 80% du temps, d’en comprendre le fonctionnement pour en tirer une histoire potable. Des fois il y a des rescapés passable ou sympathique, un miracle par moment, mais sinon ça peut donner un navet soporifique comme le Tom et Jerry de Tim Story cette année.
Comme le destin n’était pas assez farceur, Space Jam 2 repasse par les mêmes difficultés au niveau de sa production : Malcolm D. Lee n’étant arrivé qu’au milieu du tournage, et ayant eu un délai très court pour revoir le scénario et les trucages visuels et même voir le premier film. Et rebelote pour le bordel du côté des animateurs qui bosseront sur ce film (dont le fameux Tony Bancroft réalisateur du très estimé film d’animation Mulan chez Disney et animateur de Pumbaa).
Michael Jordan cède sa place à James LeBron, une autre star du basket élevé de sorte que lui soit inculqué la leçon suivante : la réussite, l’application, la concentration et la dévotion avant tout. Quitte à devoir transmettre cette leçon à son bambin en faisant obstacle à ses autres passions. Et je vais honnête : c’est probablement la meilleure amélioration que connait ce deuxième Space Jam par rapport à son aîné.
D’abord sans pour autant faire du grand acting, James LeBron est mieux dirigé et plus crédible, et il semble davantage préoccupé par ce qui l’entoure contrairement à Jordan qui n’était rien de plus qu’une guest sportive dont la reconversion sportive était inintéressante, surtout dans un film sur les Looney Tunes. De plus, il a une bonne raison qui le pousse à former une alliance avec Bugs et ses copains et quelque chose à perdre en cas d’échec dés le départ, et quelque chose à apprendre dans son match en laissant son fils Dom tracer la voie qu’il souhaite prendre quitte à ne pas suivre son père dans la même voie.
Je ne sous-entends pas que c’est du grand art ou révolutionnaire ni que c’est bien fait, mais il y a au moins une structure plausible et quelque part, quelqu’un qui en avait quelque chose à faire. Et le passage de LeBron James par la case animation 2D donne une consistance en plus dans son passage dans un autre monde et créer une petite homogénéité appréciable dans son voyage à travers ce multivers des licences Warner. Surtout que de ce côté-là, les animateurs et informaticiens chargés d’animer Bugs Bunny et sa bande ainsi que le multivers numérisé de la Warner se sont dépassés et n’ont pas démérité. Y compris pour le passage à la 3D qui ne trahit jamais les traits cartoonesque des tunes, et dont la présence se ressent vraiment malgré les limites très visible de la réalisation de Malcolm D. Lee.
Mais ça ne suffit pas à masquer toutes les grosses tâches et la démarche crasseuse du film et ce dés le prologue qui se frappe les mains après avoir montré en gros plan :
un sac à dos avec Taz, Coyote et Bugs, et un jeu Game Boy qui constitue les uniques liens de LeBron avec les Tunes sans jamais creuser davantage ce qui le rattache à eux.
Le film ne se cache même pas de faire un premier gros placement de produit (y compris à Nintendo pour les collectionneurs de jeu et console rétro, parce qu’aider les copains c’est cool) et encore le festival du grand n’importe quoi n’a même pas débuté tant Space Jam : Nouvelle ère va trop souvent se faire cannibaliser par sa démarche mercantile d’autopromotion gros à en faire péter une montgolfière.
Dés l’instant ou l’on arrive aux studios de la Warner Bros, ça ne s’arrête pas et absolument tout va y passer au détriment du récit et de toute possibilité de rendre soudé une histoire et des sous-intrigues qui en auraient grandement besoin. C’en est à un point ou même pour la vaste blague
comme celle ou l’intelligence artificiel AI-G Rhythm (joué par un Don Cheadle peinant à aller au bout de son cabotinage) sort un programme promotionnel avec LeBron sur des univers fictifs de la Warner en devient totalement ridicule. Déjà parce que des exécutifs qui tentent de se foutre de leur propre tête en mode "Eh, vous voyez, on a conscience qu’on fait de la daube et qu’on ne sait pas prendre des décisions rationnel", dans un film qui fait exactement ce que l’IA nous montre, c’est déjà prendre les gens pour des cons en soit.
Et au mieux on rira par dépit face à un tel ridicule (ce que j’ai fais perso tant ça me parait vraiment grotesque), au pire on grognera dans notre coin face à un tel cynisme.
Là ou ça va être encore plus confus, c’est dans le fait que la continuité est partiellement pétée avec le premier film. A l’origine les Tunes vivent dans un monde parallèle situé au cœur de la Terre, alors par quel miracle se sont-ils retrouvés digitalisés dans le serveur monde de la Warner ? Qu’est-ce qui s’est passé entre les deux films ? Et surtout comment tout ce petit monde a fait pour se retrouver et survivre dans les autres univers (Lola chez les amazones et Wonder Woman, d’accord ça colle… mais Daffy et Porky chez Superman je suis à peu près sûr qu’ils auraient pas fait long feu selon les règles de ce monde ci, même si un Tunes ne peut pas mourir) ? Qu’est-ce que ce délire de liens familial qui n’a rien à faire là entre Tunes (quiconque ayant vu un seul cartoon saurait, par exemple, que Grosminet et Titi sont en conflit depuis si longtemps qu'ils ne peuvent pas s'entendre ou faire équipe convenablement pour une cause commune) ?
Encore qu’on a quelques fois des petites pépites d’invraisemblance assez fun à voir (Charlie le Coq chevauchant un dragon de Game of Thrones, c’est tellement improbable et paradoxal que c’est impossible de ne pas sourire au minimum), d’autant qu’en parallèle on s’ennuie profondément quand il est question des manipulations d’AL-G Rythm sur Dominique LeBron, ce dernier n’ayant que très peu de matière voire aucune pour lui en dehors de sa passion pour la conception de jeu en plus d’être vraiment très idiot pour se laisser manipuler par un être informatique uniquement obsédé par son égo et sa fierté (ce qui fait de Dom une petite tête à claque). En plus de démontrer un autre des foutages de gueule du film en repompant le déroulé scénaristique du premier opus quant à la conception d’une équipe toute pétée de pouvoir.
A cela près, là encore, qu’une règle est améliorée : là ou les 5 martiens martyrisaient des tunes qui ne réagissaient pas avant les 2/3 minutes ou ils étaient libres d’être eux-mêmes, ici les règles ne sont pas ceux d’un match de basket ordinaire mais ceux d’un jeu vidéo avec des bonus de stats et de compétences auquel les "cartooneries" habituels de Bugs, Daffy, Lola, Sylvestre, Coyote et compagnie seraient facilement d’actualité et totalement accepté sans que personne ne rouspète (encore que, la moitié d'entre eux sont sous-exploité ou totalement délaissé comme Elmer, Charlie le Coq et Daffy qui n'ont jamais l'occasion de briller)… sauf que :
LeBron ne se soumet jamais à ces règles et comme un gros crétin borné il interdit tout bonnement aux Tunes d’être eux-mêmes dans un match ou ils ne peuvent pas gagner en la jouant à la régulière. Quel intérêt de justifier la fantaisie et les gags de cartoons dans un match sportif si c’est pour annuler cela dès le moment où y a moyen de se lâcher un gros coup et de justifier tout ce bordel ???
Non seulement c’est anti-constructif mais en bonus, ça nous ramène au même scénario de match d’il y a 25 ans avec toujours plus de questionnement sur le fonctionnement de cet univers.
La première et deuxième période ou les tunes et LeBron se font démolir par la Gunes Squad avec, au détail près, Lola et LeBron qui sauvent un peu l’honneur. Avant que tout ce petit monde passent en mode cartoon dans les deux dernières périodes, avec aussi bien une dynamique bienvenu chez nos amis les Looney Tunes (Gossamer qui inspire le basketteur aquatique, Mémé qui rabat le caquet du sportif le plus dangereux de l’équipe adverse, Coyote victime de son propre plan machiavélique pour remplir les points) que certains passages franchement gênant (le rap de Porky qui n’a rien à glander là) et une fin de match aboutissant à un sacrifice qui n’en sera inévitablement pas une en plus de devenir très superficielle et, une fois encore, de jouer inutilement avec une règle évidente et d’apporter du drame là il devrait pas y en avoir.
Parce qu’autant le dire de suite, tout ce qui touche aux tentatives émotionnelles est voué à l’échec à force de couper plus d’une fois ce qui pourrait être bon à creuser (la durée pendant laquelle les Tunes ont quitté leur monde), ou bien d’être si bref quand ça part de ce côté-ci (Lola et LeBron échangeant à peine sur ce pourquoi LeBron pratique son sport fétiche). Alors qu’il y a en revanche étrangement plus d’effort pour faire une énorme pub éhontée sur tout le catalogue de la filmographie de la Warner et ses créations du petit écran durant ledit match. Et même si la formulation n’est pas belle à dire, je crois qu’on peut admettre sans retenue qu’ils font clairement leur pute à force de caler tout et n’importe quoi ne serait-ce que le temps d’un plan.
Batman et ses antagonistes version films des 80’s et 90’s comme le Pingouin ou Mister Freeze, Le Géant de Fer, les fidèles d’Immortan Joe dans Mad Max Fury Road, les racailles d’Orange Mécanique (parce que supprimer Pépé le putois du catalogue Warner pour des motifs débiles c’est une chose, mais les droogs ça nooooon, fallait inévitablement garder pour que la Warner se vend encore plus), le Joker de 2019, les Animaniacs, la famille Pierrafeu, Gripsou de Ça, les joueurs de Quidditch d’Harry Potter, l’un des dragons de Daenerys de Game of Thrones, et la liste est encore longue. A ce stade c’est du porno de pop-culture intégrale mais d’une gratuité alarmante ou on se demande continuellement quel est l’intérêt de réunir tout ce monde à part pour être spectateur d’un match sportif, si ça n’est pas pour en tirer profit ou faire quoique ce soit sur le plan inventif.
J’imagine que certains iront comparer la démarche à Ready Player One dont beaucoup ont déjà pointé du doigt l’omniprésence de figure iconique de la pop-culture. Mais malgré ses tares et ses nombreuses maladresses, le RPO de Steven Spielberg avait au moins une volonté de questionner notre rapport à celle-ci derrière, sur son exploitation et c’était d’une inventivité visuelle exceptionnelle accouplé au savoir-faire scénique de Spielberg. Là ou Space Jam 2 est une pure orgie qui ne se contrôle pas, n’a rien à dire à part attirer le regard des spectateurs curieux pour remplir la machine à fric, et promouvoir un studio qui ne fait preuve d’aucune dignité ou pudeur dans le cas présent.
Et c’est con parce qu’il y avait moyen de légitimer cela en parlant de la place des Looney Tunes dans cet univers et de la perception des gens à leur égard en comparaison de ceux qui sont venus par la suite, mais c’est constamment réduit à quelques blagues pas drôle du méchant prétextant qu’ils sont dépassés (alors que… non, c’est pas vrai du tout, à l’origine c’était pas des cartoons destiné qu’aux gosses mais des icones de pop culture qui étaient là bien avant nombre de nos idoles issues des mondes fictifs que ça soit en film, en animé japonais, en BD ou manga, série ou autre) et on n’y vient jamais.
D’autant que côté doublage français, si on met de côté une Angèle pas mauvaise mais assez plate pour remplacer Odile Schmitt sur Lola Bunny, et Mister V dont je ne comprends toujours pas la présence : la VF est aux petits oignons. Les comédiens de longue date comme Gérard Surugue, Emmanuel Garijo, Benoit Allemane, Patrick Préjean, Patricia Legrand, Michel Mella ou encore Patrick Dozier sont toujours là et y mettent toujours autant d’âme pour faire vivre ces icones.
On a même le droit à gros effort notable avec le rappel des comédiens belges Thibaut Delmotte et Alain Eloy pour le caméo de Rick et Morty. Même si ce petit cadeau est au service d’un film qui ne le mérite pas.
Alors, est-ce que Space Jam 2 fait mieux que son aîné ? Oh que non ! Cela ne sert à rien qu’on débatte pour défendre l’un ou l’autre ou inversement : ils sont tous deux tout aussi ridicule. La Warner répète la même pratique malhonnête en utilisant des icones populaires pour faire de la prostitution marketing allant dans l’autoglorification et l’autopromotion la plus navrante qui soit.
De toute façon y’a pas de débat à faire, le meilleur film des Looney Tunes : c’est Les Looney Tunes passent à l’action de Joe Dante, et puis c’est marre, voilà… et pis au moins ça se passe dans l’espace (un petit peu) !
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Créée
le 19 juil. 2021
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