Princesse déchue
‘Spencer’ était un biopic qui promettait beaucoup car Pablo Larrain en a réalisé deux, l’un sur l’écrivain Pablo Neruda et l’autre sur la première dame Jackie Kennedy, et Kristen Stewart avait déjà...
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le 2 janv. 2022
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Avec Spencer, Pablo Larrain s’attelle une nouvelle fois à déconstruire le genre du biopic. Au lieu de retracer toute la vie d’un personnage, allant d’un époque à une autre, il prend la grande Histoire par le petit bout de la lorgnette. En ce sens, il dresse le portrait d’une princesse en pleine déliquescence lors d’un récit qui se déroule sur trois jours. La caméra du cinéaste va observer Lady Diana mordre la poussière et se confronter à un environnement royal qui n’est pas ou qui n’est plus le sien.
Après Jackie, incroyable film labyrinthique et existentielle, Spencer suit une trame narrative beaucoup plus linéaire, plus attendue, qui s’immisce presque dans le huis clos asphyxiant, plongeant presque dans les affres de l’horreur. Tout comme First Reformed et The Card Counter dernièrement pour Paul Schrader, Jackie et Spencer forment un diptyque impressionnant pour Pablo Larrain. Avec également des films comme Ema, le cinéaste a toujours autant de fascination à filmer la figure féminine, tourmentée et dont les responsabilités sont mises en difficulté par un contexte douloureux. Pour agencer toute cette ambition, Pablo Larrain met les petits plats dans les grands : une mise en scène sèche voire rêche en mouvement, mais surtout élégante et sublimée par la photo sensationnelle de Claire Mathon (Portrait de la jeune fille en feu), une bande sonore imposante par Jonny Greenwood, une Kirsten Stewart qui démontre une nouvelle fois qu’elle est une grande actrice tant son jeu parfois maniéré change d’une séquence à une autre. Puis la direction artistique, quant à elle, chatoyante et sombre à la fois, nous fait largement penser à Shining ou même Barry Lyndon.
Techniquement parlant, l’oeuvre est une orfèvrerie dépassant nos attentes. Sauf que là où Jackie nous piégeait et nous amenait vers des endroits inattendus, avec une structure narrative propice à la perte du personnage mais aussi du spectateur, Spencer se veut beaucoup plus lisible avec un personnage au prise d’un système hiérarchisant et oppressant, ou une caste royale guindée et propice aux traditions. Nous suivons une princesse qui a du mal à s’émanciper et ne semble plus trouver sa place ni en tant que femme ni en tant qu’épouse, à l’image de l’introduction avec les séquences de la pesée ou celle du souper. Un monde où la sincérité n’existe plus.
Alors que le film pourrait mordre la poussière à cause du scénario bien mince, répétitif et peu fulgurant de Steven Knight, Spencer garde toutefois une réelle tessiture : c’est un peu comme si Marie Antoinette de Sofia Coppola finissait de décuver et se prenait une gifle par la Reine Mère. Car au delà de l’aspect protocolaire de l’afféterie du film, c’est une oeuvre qui annonce une petite mort. C’est le film d’un fantôme qui s’effondre petit à petit devant nos yeux et dont le destin funeste était déjà annoncé. Une explosion avec un réel compte à rebours. C’est un tout extrêmement cohérent dans le fond et aussi dans la forme. Là où Ema était en perpétuel mouvement autour de sa protagoniste solaire, Spencer entoure, encercle et enferme Lady Diana dans sa folie naissante. Le film est à l’image de son personnage : dévitalisé et écoeuré par le temps. Un temps figé où tout est spectral : un passé comblé de souvenirs inatteignables et un présent carnassier.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Velvetman est encore là et regarde (parfois) quelques films en 2022
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le 14 mars 2022
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