La force de tenir

A première vue, on pourra se montrer un poil chagrin, comme l'araignée du matin, devant Spider-Man 2.

Car Sam Raimi semble reprendre, minute après minute, le même schéma, déjà excellent pourtant, que celui qu'il avait adopté pour son premier opus. Même méchant classique des années 70 aux allures de mentor, ici incarné par le Docteur Octopus. Même environnement scientifique, même prévalence de l'intime sur le spectaculaire. Mêmes enlèvements dans l'environnement immédiat de Peter. Même scène donnant corps à la ville de New York essayant de protéger son héros.

Je ne vois que ce premier sentiment pour essayer de justifier la pauvre moyenne de Spider-Man 2 sur le site.

Sauf que s'arrêter à cette fausse première impression montre que le Sens Critique s'étiole parfois, malheureusement...

Car finalement, si Spider-Man était irrigué d'une bonne part de fascination et d'allégresse toute enfantine, liée à la découverte du personnage et de ses super-pouvoirs, Spider-Man 2 se dessine, lui, à son échelle, comme L'Empire Contre-Attaque en comparaison du ton de La Guerre des Etoiles. Peter Parker y est constamment malmené, matraqué, accablé, comme la boule d'un flipper à deux doigts du tilt fatidique. Il rebondit violemment contre les bumpers de son identité civile. Sam Raimi prenant visiblement un malin plaisir à l'emmener d'un enjeu à l'autre, au coeur d'une narration entrelacée parfaitement menée, parfois même d'un plan à l'autre, comme à l'occasion de la séquence de la fête d'anniversaire. Le trop plein pouvait dès lors guetter, mais Sam l'éloigne d'un revers de main, dans un sourire malicieux dont il a le secret.

Ainsi, déphasé avec son éternel amour de jeunesse, en froid avec son meilleur ami, viré de son petit boulot, incapable de suivre ses études, subissant les délires de J. Jonah Jameson, ou encore la culpabilité éprouvée face à Tante May, Peter Parker est sur tous les fronts, tandis que l'Araignée prend, elle, une place prédominante.

Peter est donc montré à genoux, sans lumière au bout de son tunnel personnel, incapable de suivre la cadence imposée par le prix de son statut. Jusqu'à ce Spider-Man no more, émulant une case culte du comics d'origine, questionnant de manière directe la figure du super-héros, son sens, son espoir, et la nécessité de mener une vie complète, dont le masque fait partie intégrante, comme les aspirations et les sentiments de celui qui se cache derrière.

Sam Raimi réussit donc encore une fois à donner de fabuleuses aventures humaines à faire vivre à « son » Peter Parker, tout en rendant son alter ego Spider-Man incarné, accessible et précieux. Tout comme les séquences d'action, exaltantes et spectaculaires, dont le morceau de bravoure le plus incroyable, la séquence du métro aérien, sera reprise par son collègue Wolverine, en version délocalisée, pour son Combat de l'Immortel.

Sam Raimi, autrefois simple outsider, reproduit donc l'exploit de livrer un authentique chef d'oeuvre répondant tant aux canons du genre super héros, nouvelle poule aux oeufs d'or, qu'à sa personnalité profonde et sa sensibilité, réaffirmée par des instants très Evil Dead ou la reprise de l'idée du repaire de Darkman, ici légué au Docteur Octopus.

Une liberté de ton et de vision qui ne sera plus forcément de mise pour Spider-Man 3, au goût du producteur Avi Arad, qui songe à sortir de la vision silver age de son metteur en scène...

Behind_the_Mask, araignée du soir, espoir ?