Human graphic
On le sait depuis fort longtemps : lorsque les effets visuels n’ont plus de limites, la question n’est plus de tenter d’en mettre plein la vue. La tristesse de plus en plus patente de la majorité des...
le 5 juin 2023
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Long-métrage d'animation de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson (2023)
Etrange objet cinématographique que ce "Spider-man across the Spider-Verse".
Au démarrage, pendant une bonne grosse vingtaine de minutes, on pressent le chef-d'oeuvre.
Le film déploie un feu d'artifice majestueux de jeux de styles, d'innovations du langage visuel, avec un rythme de plans et musiques (ces dernières toutes excellement choisies) à couper le souffle.
Certes, dès les premières secondes, on tique un peu sur les références au film précédent, qui donnent le ton: impossible, pour un "non fan" passionné, de comprendre pleinement à quoi les très brefs flashbacks font référence, si on pas vu le film précédent. Désormais le message de Marvel, que même Sony n'arrive plus à tempérer, est clair: "tous nos films dans l'ordre attentivement tu regarderas; pour tout épisode manqué, durement puni, tu seras!"
Toutefois on passe outre ce manque de respect pour le spectateur (on est censé allé au cinéma voir des films, non des épisodes de séries) car les yeux en prennent plein la vue.
On comprend que quelque chose de dramatique s'est passé avant les évènements de ce film, et c'est largement suffisant tant on est emportés par le rythme des premières séquences.
D'emblai, on rencontre des personnages puissants, fascinants, complexes qui évoluent dans des décors mirobolants, tantôt sombres et oppressants
(le combat de Gwen avec le Vautour, sa solitude et sa relation avec son père qui découvre son identité cachée, l'intervention "bad ass" de Jessica Drew et Spider-Man 2099...)
tantôt colorés et divertissants
(le Brooklyn de Miles, l'introduction quasi comique de La Tâche).
Et on est dans l'exploit de réalisation, car cette complexité, à la fois du décor et des personnages, se construit devant nos yeux, aussi naturellement que rapidement, sur le simple enchainement magistral de quelques scènes à l'impact phénoménal, avec des outils narratifs particulièrement originaux, surtout sur le plan visuel.
Puis, malheureusement, tout s'effondre, quand arrive le scénario, le vrai, l'histoire "à la Marvel".
Et, avec lui, une bonne grosse dose d'ennui général.
Passé ce moment tout feu, tout flamme d'introduction, le rythme s'effondre et Marvel déroule au spectateur dépité, son argumentaire habituel d'inepties.
Presque deux longues heures de bla-bla, d'explications douteuses et de trous de scénarios ("TGCM, ta gueule c'est le Multivers"), de longs dialogues sur le passage à l'âge adulte et les difficultés de relation entre parents et enfants... Et de charabia pseudo-scientifique qui, disons-le, pour un film de super héros est tout à fait acceptable et même souhaité, si ce n'était que certaines digressions de "Across the Spider-Verse" durent, et durent encore, se perdant dans des conjectures alambiquées pour justifier le fait que, dans le Multivers, tout et son contraire sont toujours possibles. Degré ultime de la fainéantise scénaristique qui permet à l'auteur, bêtement, de s'affranchir complètement de toute obligation de cohérence. Quoi qu'il arrive, ou qui n'arrive pas, on pourra toujours dire que son contraire s'est produit (ou pas) ailleurs. Faisant et défaisant ainsi à sa guise et selon les besoins du moment un script qui, dès lors, n'est plus en mesure de prendre de l'ampleur, du recul ou de la complexité, pour construire un univers narratif (un seul s'il vous plait) qui dure dans le temps. Pensons par exemple à la Saga du Seigneur des Anneaux, au Cycle de la Fondation de Asimov ou même juste à 007 de Fleming: les exemples sont innombrables, de grandes saga qui s'expliquent d' elles-mêmes, par le contenu de leur narration. Nul besoin, pour celles-ci, d'une surenchère constante de légendes explicatives.
On se perd alors dans un scénario qui semble absolument ne plus savoir où aller et passe plus de temps à expliquer le Multivers qu'à le raconter.
Au départ, on croirait devoir suivre l'affrontement entre Miles et La Tâche. Ce dernier, personnage magnifique dont la noirceur profonde se construit progressivement devant nos yeux, disparait à la moitié du film au point qu'il se ferait presque oublier.
Puis on comprend qu'un thème fort va être celui des liens familiaux. Ceux du sang, pas toujours faciles à porter. Ceux adoptifs, d'opportunité et de substitution, qui peuvent paraitre attrayants de prime abord, qui incite à la fugue, mais peuvent s'avérer dangereux au final. Ceux choisis enfin, lorsque passant de l'enfance à l'âge adulte on prend l'envol, on se libère des contraintes imposées par les parents et on construit notre propre réseau d'affects.
Mais si ce thème est tout à fait noble, et source d'inspiration de maintes histoires magnifiques dans tous les arts connus, ici on sent très fortement la "patine Disney" qui, avec une bienveillance forcée, élargit des perles de considérations morales cousues de gros fil blanc, façon "Hannah Montana".
Et puis finalement on se demande si ce n'est pas un film destiné à nous expliquer les relations complexes entre les infinis Spider-Man qui peuplent les Multivers, car une longue partie du film y est consacrée (avec par ailleurs des revirements très décevants).
L'aventure de Miles semble alors errer sans but, remplie d'une foule de personnages (littéralement) qui n'ont plus le temps de s'exprimer à l'écran tant ils sont nombreux, fourrée de dialogues écrits de façon incertaine, inutilement digressifs, rébarbatifs jusqu'à l'endormissement inévitable du pauvre spectateur
Même la qualité visuelle semble en prendre un coup. Bien qu'il s'agisse d'un dessin animé, le CGI est omniprésent et celui-ci a un coût certain. Nous sommes alors en droit de nous demander s'il n'y a pas eu une inégalité dans la production des différentes parties du film, tant les personnages, les costumes, les décors, les enchainements et le montage semblent, dans la longue partie centrale du film, beaucoup moins originaux, forts, artistiquement innovants par rapport aux scènes du début et de la fin.
Justement, la fin, parlons-en.
Quand finalement tous les filons narratifs égrainés pendant 2 longues heures semblent enfin pouvoir aboutir à quelque chose, le film (et avec lui le spectateur) se réveille enfin.
De nouveau, des séquences soignées, de l'action, des musiques de choix reportent enfin Miles et Gwen au centre de tout.
On s'attend au grand bouquet final et... Non.
Le twist final, certes très impressionant, vient apporter un grain de sable dans cette mécanique qui semblait se remettre en marche. Car alors qu'on se prépare à la fin, le scénario renchéri, et pas qu'un peu.
Au moment où l'on croyait enfin tenir les différents fils de l'histoire et conclure, voilà revenir de nulle part (enfin... Du Multivers, comme tojours...) le Rôdeur et Oncle Aaron, laissant Miles, le nôtre, en très grand danger.
A peine a-t-on le temps d'intégrer cette surprise sidérante, et se demandant comment le scénario va faire évoluer ce développement inattendu dans le peu de temps qui reste…
"To be continued".
Et là, je vous avoue, j'ai lâché un jurons dans la salle.
Créée
le 30 juin 2023
Critique lue 24 fois
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