La douce litanie qui consiste à dire que les films de super-héros se ressemblent tous, ou qu’ils oublient leurs fondamentaux au profit d’une spectacularité inféconde et numérisée, vient d’être mise à mal par ce nouveau Spider-Man : New Generation qui se révèle être une véritable bouffée d’air frais dans la sphère du genre. Pourtant, le pari n’était pas gagné d’avance, Spider-Man étant un super héros que l’on a maintes et maintes fois vu au cinéma.


Soit par le biais de l’excellente trilogie de Sam Raimi, du diptyque désastreux de Marc Webb ou dernièrement par l’humour teen movie javellisé de Marvel. On connait son histoire par cœur. Mais alors, que nous apporte de neuf cette énième adaptation de l’homme araignée ? Beaucoup de choses pour ainsi dire. Plutôt que de placer Peter Parker au centre du film, comme tous les films précédents de Spider-Man, nous avons en vedette Miles Morales, un adolescent, apportant à la franchise un nouveau niveau d’émotion que nous n’avons jamais vu auparavant. Contrairement à Peter Parker, Miles est davantage axé sur la famille, notamment avec son oncle et son père.


Spider-Man New Generation est l’une des meilleures retranscriptions de l’univers Spider-Man et l’un des films les plus psychédéliques et colorés que l’on ait vu depuis Speed Racer des sœurs Wachowski. D’ailleurs, cette dernière référence n’est pas vaine car la plupart des thématiques contenues dans le long métrage et l’esprit libéré qui se détache de l’œuvre ressemblent à l’aspérité des deux réalisatrices : la tolérance, le partage, la redéfinition des genres, le poids des responsabilités, le fait de se définir par les choix que l’on prend, le bénéfice de la communauté, savoir que nous ne sommes pas seuls dans un monde difficile, et la connexion entre les dimensions. On pense donc à Matrix, Speed Racer, Sense8 et Cloud Atlas. Et c’est beau.


Enfin, nous avons un film de super-héros qui s’approprie sa propre mythologie, qui tente de redéfinir sa dimension et sa caractérisation, et qui s’amuse de lui-même avec un discours méta en faisant référence à ses anciennes adaptations cinématographiques sans forcément en faire une caution humoristique comme le fait Deadpool avec plus ou moins de facilité. Comme l’a écrit récemment notre compère WeSTiiX, dans son excellent article qui s’interroge sur la place de l’humain dans les films de super-héros, ce genre cinématographique a en ce moment cette fâcheuse tendance à vouloir diviniser l’être qu’est le super-héros pour en oublier sa part d’humanité. Cette dernière, étant retranscrite comme une simple marée informe, impersonnelle qui doit être sauvée par les nouvelles divinités que sont devenus ces êtres surnaturels.


Sauf que Spider-Man New Génération reprend là où s’étaient arrêtées des œuvres comme celles de Sam Raimi. Ne pas voir le masque ou le pouvoir comme une manière de se sentir moins humain, mais au contraire de montrer le costume comme une prolongation de notre humanité, de définir son récit autour de schémas intimes et de mettre en place des enjeux qui touchent l’humain derrière le masque. La narration ne se limite pas au simple fait d’être un récit initiatique qui voit son protagoniste se repenser lui-même et combattre les obstacles de la vie, non, Spider-Man New Generation va plus loin que cela et insère dans son habillage l’idée que nous sommes rien sans les autres, que le pouvoir c’est un ensemble et non pas un simple don, comme l’avait insinué Ready Player One de Steven Spielberg.


Ici par exemple, il n’est pas juste question d’un vilain méchant qui veut détruire pour détruire, mais il est question de la désespérance d’un homme qui veut retrouver sa femme et son fils défunts. Comme dans les péripéties de l’homme araignée dans les Sam Raimi, il est aussi beaucoup d’idées de cinéma, et quoi de mieux que le cinéma d’animation pour se libérer de certaines barrières esthétiques et de s’accaparer le médium de la bande-dessinée avec une inventivité de tous les instants. Un film live n’aurait pas pu donner ce souffle épique, n’aurait sans doute pas pu mélanger son atmosphère à celui des comics ni nous impressionner avec ce climax final dantesque.


Au delà de son message, qui décrit le costume comme un flambeau qui se perpétue et qui peut être porté par tous, c’est donc aussi le style graphique qui fait monter le film d’un cran au dessus de la mêlée, doté d’un montage frénétique, de textures vivifiantes, et d’un dynamisme rare qui rend à la fois hommage au pouvoir des super-héros qu’à cette ville protéiforme qu’est New York. Il y a cette sensation de liberté, où le film a cette capacité de nous faire ressentir la pesanteur des envolées de notre super-héros, sa facilité à utiliser les airs pour le voir virevolter, frapper, être lui-même et utiliser sa pleine puissance.


Spider-Man New Generation ne choisit pas de camp, au contraire de Marvel ou DC Comics : c’est un film qui saisit avec intelligence les émotions de ses personnages, et leur intégrité morale. Bizarrement, alors que de nombreux blockbusters ou de grandes franchises, comme Star Wars ou Alien, misent sur la déconstruction du mythe, avec ce motif incessant de détruire pour refaire naître, Spider-Man New Generation utilise, lui, ce versant dans une idée de continuité, de prolongement universel.


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le 14 déc. 2018

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