Dans une dimension parallèle où Le Monde Perdu n’existe pas. Documentaire de 2h30 dont je vous laisse deviner le sujet.
Alors 2h30, cela peut paraitre long. C’est en réalité beaucoup trop court. Nous aurions tendance à l’oublier tant Steven Spielberg fait partie de notre paysage depuis l’enfance, mais il s’agit en réalité d’une anomalie dans l’histoire du cinéma. Autodidacte, premier réalisateur à avoir dépassé le milliard de dollars de recettes, créateur de plusieurs franchises cultes, et probablement cinéaste le plus présent dans tous les classements de type « meilleurs films de tous les temps », nous lui devons à la fois Les Dents de la Mer, Rencontre du Troisième Type, Indiana Jones, ET, Jurassic Park, La Liste de Schindler, Il faut sauver le Soldat Ryan, Munich, Minority Report,… La liste est longue. Et c’est sans parler de son travail de producteur, en particulier dans les années 80.
Donc oui, 2h30, c’est court. Sa société de production Amblin ne sera évoquée que pendant une ou deux minutes. Le documentaire se focalise sur son enfance, son parcours, ses débuts, ses premiers long-métrages jusqu’à la moitié des années 80, puis ses œuvres les plus emblématiques de La Couleur Pourpre à nos jours. Ses autres films ne seront qu’évoqués, leur nom ne sera parfois même pas mentionné. Si vous êtes fan de Hook, vous risquez de ressortir frustré de ce documentaire.
Concernant la forme, nous sommes dans du très classique, à force de commentaires élogieux de ses collègues, amis, et collaborateurs. La réalisatrice a réuni pour l’occasion une collection impressionnante, parfois surréaliste, de personnalités hollywoodiennes (ainsi que quelques critiques cinéma). A tel point que la plupart n’apparaissent que quelques secondes à l’écran, malgré des entretiens que nous imaginons beaucoup plus riches. Un travail qui a sans aucun doute dû prendre du temps, comme en témoigne la présence de la scénariste Melissa Mathison pourtant disparue en 2015. Montage et apologie obligent, n’espérez pas la moindre aspérité dans ce documentaire : tout comme Tom Hanks, Steven Spielberg est parfait. Ou presque. Dans sa relation conflictuelle avec son père, son comportement nous est montré comme ayant profondément meurtri ce-dernier. De même, ce documentaire met en scène sa relative immaturité, comment il s’est longtemps détourné de la religion, l’échec de son premier mariage, son incapacité à adapter La Couleur Pourpre à l’écran, ou comment il faisait pleurer Drew Barrymore sur commande lors du tournage d’ET.
La partie la plus intéressante du documentaire concerne véritablement son enfance, son rapport à la religion (et son impact émotionnel sur La Liste de Schindler), le divorce de ses parents, et comment tout cela se retrouve dans son cinéma. Ce que les intervenants et la documentariste nous disent sur ses long-métrages eux-mêmes ne manque pas d’intérêt, mais restera toujours moins pertinent et exhaustif que des making-of consacrés à chacun d’entre eux individuellement. Les traiter dans un même documentaire permet surtout d’obtenir une vision d’ensemble, et de se rappeler que oui, Steven Spielberg a bel et bien réalisé tous ces classiques.
Malgré sa longueur, Spielberg ne parait donc pas trop long. Bien au contraire. Par contre, il n’apprendra sans doute pas grand-chose aux amateurs de son cinéma, qui regretteront au contraire que certains films – les moins prestigieux – soient passés sous silence. Le documentaire n’en demeure pas moins suffisamment bien écrit pour rester passionnant, quoi que trop lisse et académique. Et puis, cela fait du bien de se remémorer à quel point ce réalisateur possède une carrière incroyable.