Au final, ce film se résume à une succession de mauvais choix.
Pour commencer, on peut se demander à quoi sert de ressusciter la franchise Saw, qui a déjà connu beaucoup trop de péripéties. Certes, sur un plan financier, c’est parfaitement explicable : le film ne doit pas coûter très cher à produire et doit être vite rentabilisé. Mais sur un plan purement artistique ou d’un point de vue diégétique, ce énième film de la franchise n’apporte strictement rien qui n’ait déjà été vu des dizaines de fois auparavant. Sauf qu’ici, c’est beaucoup moins bien : moins bien parce qu’il n’y a plus de surprise, moins bien parce que c’est mal écrit, mal filmé, mal interprété, moins bien surtout parce que c’est totalement gratuit.
Spirale : L’Héritage de Saw se construit donc comme un polar entrecoupé de trois ou quatre scènes pseudo-gores. L’enquête tourne autour d’un bonhomme qui tue des flics ripoux en suivant l’exemple de John Kramer, dit Jigsaw (qui, dans la saga, était interprété par Tobin Bell, dont le charisme et le talent manquent beaucoup ici). Dès la scène d’ouverture, nous assistons à un de ces meurtres. On se retrouve dans une configuration que les spectateurs de la saga connaissent bien : un personnage qui a quelque chose à expier, et qui se retrouve coincé dans une machinerie complexe ; enfin, une vidéo qui explique à cette victime qu’elle a le choix entre se mutiler douloureusement ou mourir ignominieusement. Sauf qu’en plantant cela comme première scène du film, le cinéaste ne nous explique pas en quoi la victime est fautive et cela augmente d’autant plus l’impression d’assister à un spectacle purement gratuit et complaisant : comme dans une bonne partie des films de la saga, cette Spirale se révèle être un étalage d’hémoglobine et de corps mutilés vaguement réunis par un semblant d’histoire qui tient à peine debout. On comprend bien que, pour le cinéaste, ces scènes gores présentent tout l’intérêt du film, mais justement cet intérêt s’effondre par manque d’enjeux narratifs.
Car que raconte Spirale ? On a droit au flic solitaire abandonné par ses collègues car lui seul est net quand tous les autres sont pourris. Partant de là, le scénario aurait très bien pu jouer sur un dilemme moral : attraper un tueur, c’est sauver des flics ripoux, eux-mêmes bien souvent meurtriers. Mais jamais le film n’effleure cette piste, ce qui rend encore plus artificielle la position d’isolement du personnage principal. De plus, ce “héros” est désigné par le scénario comme un personnage intègre, honnête et juste, n’hésite pas à torturer un témoin pour lui soutirer des informations...
La crédibilité du protagoniste est encore plus ruinée par son interprète. S’il fallait citer un exemple absolu, un exemple parfait d’erreur de casting, il serait là, dans la présence ici d’un Chris Rock qui n’est jamais crédible le moindre instant. Il faut préciser que les autres interprètes ne brillent pas par leur génie, mais en comparaison, ils paraissent d’une incroyable justesse. Jamais Chris Rock ne semble être à sa place ici, et il se contente, tout au long du film, de faire une tête ahurie en mode “je n’en crois pas mes yeux”.
Quant à la réalisation… Même si Darren Lynn Bousman peut paraître comme le choix d’un relatif “retour aux sources” de la saga dont il a déjà réalisé trois épisodes (en l’occurrence les épisodes 2, 3 et 4), on est bien forcé de constater la totale incompétence de ce réalisateur incapable d’installer la moindre ambiance un tantinet morbide. En gros, Bousman se contente de réaliser un film entièrement en couleurs sombres, pensant sans doute que les ombres permanentes et quelques décors crasseux suffiraient à créer du malaise. Au lieu de cela, ce que ressent le spectateur, c’est plutôt de la gêne face à ce mélange d’incompétence et de mauvais choix.
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