Quatre années après sa séquelle de Massacre à la tronçonneuse, dernier des trois films contractuels et controversés (avec Lifeforce et le remake de L'Invasion vient de Mars) que Tobe Hooper signa pour la Cannon des cousins Golan et Globus, le réalisateur de Massacres dans le train fantôme revenait aux affaires avec un nouveau projet de long-métrage Spontaneous Combustion. Mieux, après une décennie de collaborations plus ou moins fructueuses avec des studios, Hooper retournait aux productions indépendantes, pour le meilleur et pour le pire, non sans avoir décliné auparavant la mise en scène du troisième volet des aventures de Leatherface.
Rares ont été les réalisateurs de la génération de Tobe Hooper à connaitre autant de malentendus et de rendez-vous manqués avec la critique et le public. Le téléfilm Les vampires de Salem, sans aucun doute l'une des meilleures adaptions d'une œuvre de Stephen King, fut ignoré, avant une récente réhabilitation, pour la seule raison qu'il s'agissait d'une production télévisuelle 70's. Idem pour Massacres dans le train fantôme. Sans oublier la volée de bois vert reçue par les trois produits estampillés Cannon, l'impardonnable étant pour certains d'avoir osé faire une suite à son chef d'œuvre de 1974. Pire, depuis Le crocodile de la mort (1977), qui l'avait vu quitter la production avant la fin du tournage pour « divergences artistiques », Hooper collectionna les problèmes et autres interférences avec ses divers producteurs (il fut renvoyé des tournages de The Dark en 1979 et de Venin en 1981), la plus cuisante expérience étant paradoxalement celle relative à son plus grand succès public et critique, Poltergeist. De la présence envahissante de son supra-producteur Steven Spielberg, le travail de Hooper fut de facto minoré par la profession. Non content d'être dépossédé de son film, le réalisateur passa dès lors aux yeux de ses pairs pour un prête-nom, une mise au ban expliquant sans aucun doute le délai de trois ans et les difficultés de Hooper à pouvoir mettre en scène un nouveau long-métrage.
D'un Massacre à la tronçonneuse pouvant être considéré, à la lecture des précédents faits évoqués, autant comme une bénédiction qu'une malédiction pour son auteur, ne tournons pas autour du pot, Spontaneous Combustion ne déroge pas aux mésaventures Hooperiennes susmentionnées (et ceci en dépit de la nature indépendante de cette production). Mais n'allons pas trop vite.
D'un début rappelant celui de Charlie (Firestarter), d'après Stephen King, le scénario écrit par Tobe Hooper et Howard Goldberg s'en éloigne rapidement pour bifurquer vers d'autres horizons, en gardant toutefois en toile de fond un climat paranoïaque et la même défiance envers les autorités. Las. Pression exercée par la production, absence de final cut, montage décousu, les raisons ne manquent pas pour expliquer l'aspect foutraque et multi-directionnel de l'histoire : film d'horreur, thriller, romance et drame, Spontaneous Combustion est tout à la fois sans qu'aucun de ces divers éléments ne convainquent totalement.
Drame fantastique, teinté de tragédie familiale, le long-métrage prend le parti pris audacieux de développer un prologue qui tendrait à sinon expliquer l'origine, du moins justifier, les pouvoirs pyrokinésistes de David. Là où cet avant-propos aurait pu ouvrir la voie à un film de super-héros alternatif (Sam Raimi réalisa la même année Darkman), Spontaneous Combustion s'écarte également de cette possibilité. Tour à tour surprenant, voire déstabilisant, par son choix ou plutôt son refus de rester strictement dans le genre fantastique, le film, on l'aura compris, souffre de maux incurables en dépit de la courte participation désopilante de John Landis en victime, et des efforts de Brad Dourif, parfaite incarnation d'un héros torturé, dont l'existence entière fut régie par le mensonge et par la manipulation (de ses origines à ses relations amoureuses, passée et présente). Mais, monté en dépit du bon sens, le long-métrage laisse en suspens trop d'interrogations et de blancs pour ne pas laisser le spectateur dans un état de doute quasiment permanent, et ceci jusqu'à sa fin abrupte. Une situation d'autant plus frustrante que Spontaneous Combustion n'a rien d'un mauvais film. Au contraire. Tout laisse à penser que celui-ci pouvait s'inscrire dans la liste des meilleures créations surréalistes de son auteur. Las. Il aurait fallu que Spontaneous Combustion soit mieux produit (la qualité des effets spéciaux est, qui plus est, très variable, à l'instar de la photographie), et dirigé par un réalisateur non soumis aux exigences boiteuses de ses commanditaires.
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