On a trop déploré la mort du film de genre. Et d’ailleurs, ces dernières années, on a pas été si mal loti. It Follows est presque devenu un étendard, et personne ne s’en plaindra : c’était un bon film, original, ambitieux tout en restant sobre, et qui, malgré ses défauts, démontrait qu’il restait encore des types de goût pour réaliser des films d’épouvante. Oui, il y a vraiment une jeunesse qui monte, comme une nouvelle-vague, prête à honorer la mémoire des premiers Carpenter (la crème de la crème) tout en développant une singularité propre. Spring est de ces films-là.
Au départ, je n’aurais pourtant pas trop misé dessus. Je craignais le film à filtres Instagram, tendance hipster branché, récitant tout le panel de références 80’s dans la plus plate des linéarités, et incapable de faire plus que du recyclage. Mais je me suis trompé : Spring, qui est la deuxième collaboration de réalisateurs que je ne connais pas, a, certes, un peu de cette patte trop mode, mais il sait être plus cela, apporter des choses, être original. Déjà, ce n’est pas vraiment un film d’horreur. Il se rattache au genre à cause de ses thématiques, de son bestiaire, de son suspense-clair-de-lune, mais il est assez inclassable, car il est plus une romance, entre un type qui vient de perdre sa mère et une monstre : elle est immortelle, et lui, après avoir découvert son secret, essaie de la convaincre de renoncer à l’éternité pour tenter la route avec lui.
C’est un film super sincère, d’une honnêteté, d’une flamme que j’admire absolument : tout y est traité avec une ferveur remarquable, sans aucun second degré, avec un jusqu’auboutisme trop rare et un enthousiasme débordant. Autant dans l’approche du film de monstre (on passe du loup-garou aux gros lézards, des légendes mythologiques à l’ésotérisme religieux) que dans la romance, celle d’un quidam courageux mais pas vernis qui tombe amoureux d’une fille trop belle, trop intelligente, trop mangeuse d’hommes. Et c’est surtout sur ce second niveau que je trouve le film hyper rafraîchissant : il est d’un naturel, d’un tact, d’une volonté d’émerveillement et de mystère qui ne trichent jamais, qui n’essaient pas de surprendre par des rebondissements tocs, mais qui tâchent malgré les maladresses et les non-finitions de coller au plus juste des questionnements du personnage / spectateur. Du coup, le film est sobre, mais grâce à son postulat original, il parvient également à devenir planant, hors du sol, et fait même germer des idées hyper ambitieuses : concrétisation d’un amour millénaire, le film se conclut sur l’éruption du Vésuve.
Spring est sans doute aussi un poil victime de son budget rabougri, mais c’est aussi ce qui lui permet de ressembler au plus près d’un drame intimiste : la caméra est toujours proche de ses personnages, des plans-séquences sont tentés (dont un, très beau, après une dispute), et de belles intentions parsèment le film. Qu’importe la caméra drone et les effets de mouvements pas toujours très subtils, qu’importe les lens-flares si connotés, qu’importe les filtres blanchouillards : l’important, c’est le reste.
À l’avenir, je vais suivre ce que vont devenir ces deux jeunes gusses : ce film, d’une intégrité totale, me redonne foi en tout un pan du cinéma, que je trouvais de plus en plus petit malin, trop caustique, trop conscient de son épuisement pour ne pas s’en servir. Ils sont jeunes, talentueux, authentiques, et inspirants ; ils donnent envie d’aller dans leur sens, de faire du cinéma sincère et juste.