40 ans de carrière. 19 albums. Plus de 300 titres au compteur (et si on compte les reprises sans doute près du double interprétées sur scène) et une carrière qui lui a valu d’être comparé à Michael Jackson et à Madonna dans les années 80 alors qu’il remplissait les stades venus écouter Born in the USA. Bruce Springsteen est un artiste hors norme et pas seulement dans les chiffres. Capable de jouer aussi bien du rock brutal que des balades folks, enregistrant en acoustique autant qu’avec un big band pour reprendre des classiques traditionnels américains, celui qu’on surnomme le Boss a commencé sa carrière dans les bars du New Jersey au début des années 70 après avoir vu Elvis à la télévision et va clôturer dans les prochaines semaines une tournée marathon de plus de 120 dates et pendant laquelle chaque concert dure au moins trois heures.
L’auteur de titres sublimes comme Thunder Road ou Jungleland entretient une relation de proximité avec ses fans. Il vit de l’amour du public et celui-ci le lui rend bien. Lors de son dernier passage parisien, on l’a vu se jeter dans la foule, embrasser les filles, faire monter les gens sur scène… Il s’est même arrêté au milieu d’une chanson pour dédicacer le plâtre d’un petit garçon debout au premier rang.
On dit souvent qu’il y a un titre de Bruce Springsteen pour toutes les occasions, mais le rocker a surtout écrit sur l’Amérique et ses fameux cols bleus. De fait, ses textes parlent au plus grand nombre et sa popularité est alors « logique »
Il est donc tout à fait normal que la société de production de Ridley Scott ait été noyée sous les témoignages après avoir lancé le projet d’un docu participatif. Le réalisateur de Blade Runner et ses équipes ont en effet voulu collecter des témoignages de fans évoquant leurs rapports avec le patron. On a donc pu leur envoyer pendant plusieurs semaines des vidéos de concert mais aussi des témoignages face caméra.
2200 clips amateurs (et 350 photos pour le montage de l’affiche) ont été envoyés et il a fallu faire le tri.
Il en résulte un documentaire de 60 minutes (suivi de bonus pour la diffusion salles) où s’enchainent histoires et images d’archive. Si les tous premiers témoignages sont effrayants, où des fans en tshirt déballent leur collection et se filment dans leur cuisine juste pour évoquer leur passion, les suivants sont plus rassurants et finissent dans l’émotion pure. Baillie Walsh s’est en effet focalisé sur des gens ayant de vraies histoires à raconter plutôt que de banales déclarations d’amour ou des fans hardcores qui font passer les amateurs du Boss pour des demeurés.
On va donc suivre un Danois travaillant dans le stade où Springsteen joue quand il passe à Copenhague, une camionneuse américaine qui explique l’écouter quand elle traverse le pays car se sentant personnellement touchée par ses textes ou encore une jeune fille montée sur scène pour danser sur Dancing in the Dark à la manière de Courtney Cox dans le clip de Brian de Palma. Mais on va aussi découvrir des vidéos plus touchantes comme un couple d’Anglais qui a cassé sa tirelire pour aller voir un concert à New York et qui est passé des places les plus pourries de la salle au premier rang grâce à Springsteen ou un homme qui témoigne avec humour du fait que c’est sa femme qui est fan, qu’il la suit en tournée sans apprécier et en trouvant les shows beaucoup trop longs. La production a également retrouvé un jeune homme qui avait alpagué Springsteen dans une rue de Copenhague, lui demandant s’il voulait jouer avec lui sur un trottoir pour les passants et quelques pièces. Bruce jouera 15 minutes sous l’oeil d’une caméra. Le documentaire mixe donc le témoignage du fan des années après et les images de la prestation impromptue.
Springsteen and I est donc la somme de ces histoires. Agrémenté d’images d’archives parfois inédites pour le plus pur plaisir des fans, le film est d’abord réservé aux fans car il enchaine les déclarations d’amour, sans pour autant tomber dans la démagogie ou la facilité mais en zoomant sur les amateurs ayant quelque chose à raconter et en le faisant bien.
Mais peut-être que si vous pensez que Bruce Springsteen n’est que le mec beuglant en bandana sur Born in the USA ou le chanteur de Streets of Philadelphia, le film peut vous servir de porte d’entrée dans l’univers de celui que tous considère comme le Patron, d’Eddie Vedder le chanteur de Pearl Jam (qui a déclaré n’être que l’employé) à Barack Obama (qui a déclaré n’être que le Président).
Il est bien connu qu’il y a deux catégories de gens sur Terre : ceux qui ont vu Bruce en concert (et qui en parlent donc dans ce film) et les autres.
Springsteen et moi. Et vous ?
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